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29 décembre 2018 6 29 /12 /décembre /2018 08:33

Les historiens sont formels: de la bataille de Little Big Horn, historique à plus d'un titre, il n'y a eu aucun survivant parmi les blancs présents sur les lieux même de la bataille, juste des témoignages, le plus souvent partisans, mais aussi embarrassés: c'est la bataille qui n'aurait jamais du exister. Une charge suicide, celle d'un petit groupe d'hommes voués à y mourir, conduits par un fanatique idiot, persuadé jusqu'à la fin d'être supérieur aux Indiens, pourtant supérieurs en nombre, de par son appartenance à la communauté des blancs... Le film de Penn commence donc par un paradoxe: dans une maison de retraite, on interroge un vieil homme, Jack Crabb. Il a 121 ans, est il est un survivant des "guerres indiennes", ce qui a probablement poussé le journaliste qui l'interroge à le choisir. Mais si le vieil homme a l'air bien fatigué, il ne perd pas le nord, et intime l'ordre à son interlocuteur de se taire et de l'écouter: lui est un survivant, le seul blanc a avoir survécu au massacre. Il va raconter sa vie jusqu'à ce point de l'histoire situé en 1876...

Forcément, on a classé ce film dans la catégorie du "western révisionniste", du néo-western ou que sais-je encore: cette idée selon laquelle il y aurait un avant et un après dans le western. Mais un avant et un après quoi? Certes, on "traite" mieux les Indiens dans ce film que dans la majorité des films du genre tournés dans les années 50, mais on faisait des films sur les peuplades de l'Ouest dès les années 10: tout un pan de la production des films Biograph de David Wark Griffith y était consacré, et si Thomas Ince est passé dans l'histoire comme un abominable raciste militant dont les accointances avec le KKK ont été avérées, ses westerns montraient souvent une image juste et lyrique, profondément humaine; de l'Indien. On peut remarquer cette ouverture d'esprit chez John Ford, qui a toujours pris contact avec ses amis Navajo avant d'aller tourner chez eux, dans Monument valley, et... il a réalisé The searchers, en 1956. Bref: ce qu'il y a de nouveau dans Little Big Man, ce n'est pas tant le traitement des Indiens, mais le ton choisi. Et le fait d'avoir entièrement tourné un film autour d'un argumentaire pro-Indien, et anti-blancs... Mais il y a certainement plus...

Peu de temps avant ce film, en 1967 pour être précis, Penn avait tourné pour Warren Beatty le célèbre Bonnie and Clyde, qui contournait les codes du film de gangsters, avec un don impressionnant pour les ruptures de ton: les aventures de Jack Crabb seront elles aussi truffées de références à la comédie, et on pense en particulier à Tom Jones, à travers la narration souvent picaresque, et la composition de Dustin Hoffmann, qui traverse vingt années, d'abord enlevé par les Cheyennes en compagnie de sa soeur, puis élevé comme un des leurs par la tribus des "Etres humains" (le sens du mot Cheyenne dans leur langue), et profondément marqué par leur culture et leur philosophie, puis au gré des années, fils adoptif d'un pasteur rigoriste et de sa femme légèrement nymphomane, gâchette surdouée mais incapable de tuer un homme, scout dans l'armée (un éclaireur, le plus souvent d'origine Indienne), et enfin Cheyenne de nouveau... Durant tous ces avatars, Jack Crabb, qui emprunte là encore à la narration picaresque, rencontrera beaucoup de gens, parmi lesquels un bonimenteur vendeur de jus de serpent (Martin Balsam), la veuve de son prédicateur, devenue prostituée (Faye Dunaway), sa propre soeur, mais aussi deux figures historiques: Wild Bill Hickock (Jeff Corey), et le Général George Armstrong Custer (Richard Mulligan).

Un peu d'histoire: formé à West Point, Custer fait partie de ces jeunes loups de l'Armée Américaine, qui vont parvenir à leurs premiers commandements lors de la guerre civile. La réputation du jeune officier est imposante, dans l'ombre de son mentor, Ulysses S. Grant: pourtant les deux hommes ne s'aiment pas, mais alors pas du tout. Il est de notoriété publique que Custer, par ailleurs, est narcissique, sérieusement imbu de sa personne, et ambitieux, très ambitieux même; on lui prête des velléités présidentielles, même si peu de documents l'attestent. C'est durant le deuxième mandat de Grant à la Maison Blanche que Custer, qui est parti puis revenu à l'armée, et qui devient de plus en plus erratique, va devenir un agité particulièrement médiatique, publiant livre de souvenirs, tribunes politiques et revisites (à son avantage) de son expérience des guerres indiennes, publiées dans les journaux. Mais si l'idée était de se forger une destinée à coup de légendes (exactement ce qu'a fait Teddy Roosevelt pour accéder à la nomination en son temps), quoi de mieux qu'une bataille? Celle qui scellera la place de Custer dans l'histoire sera Little Bighorn, en 1876: réussissant l'impossible, à savoir faire l'unanimité des tribus contre lui et sa compagnie, Custer qui croyait dur comme fer pouvoir triompher de milliers de braves Indiens (Sious, Lakotas et Cheyennes) rien qu'avec une centaine de soldats (blancs) car il les croyait supérieurs, s'est fait écraser, entraînant près de trois cents morts dans son sillage. Il y a une justice: il en a fait partie, à sa grande surprise, d'ailleurs...

Et c'est sa part dans cette célèbre bataille que veut nous confier Jack Crabb. La question se pose, bien sûr: où était-il, dans quels rangs? Cheyenne, ou aux côtés de Custer, qui rappelons-le à l'époque jouissait de par son charisme d'une impressionnante cote d'amour (ce que montre et souligne Penn avec l'acteur Richard Mulligan)? Réponse dans le film, au terme de 140 minutes fantastiques... Sous la haute responsabilité de Dustin Hoffmann pour l'un de ses plus beaux rôles, qui le voit en cow-boy ET en Indien, jouer de sa petite taille (avec au passage une forte, très forte influence qui traverse certaines scènes, celle de Buster Keaton), et qui se rappelle aussi au bon souvenir des spectateurs de 1968 dans une réminiscence-clin d'oeil à son rôle alors célèbre dans The graduate de Mike Nichols...

Maintenant, si le film redistribue les rôles de l'Histoire, donnant une voix aux Cheyennes en la personnage du formidable Chief Dan George (qui joue le grand-père adoptif de Jack Crabb), il n'oublie pas non plus l'histoire récente, et le traitement d'un massacre par le 7e de cavalerie des femmes et des enfants d'un campement Indien, est certainement aussi une allusion directe à l'histoire récente, et au Vietnam, notamment au massacre de My Lai. Une tache particulièrement sordide de l'engagement militaire des Américains au Vietnam, qui doit sérieusement résonner dans l'esprit des spectateurs qui voient le film en 1970: ils seront nombreux, puisque Little Big Man est un triomphe, parfaitement documenté, passionnant de bout en bout. Et ce n'est finalement pas un "néo-western", un film "révisionniste", mais tout simplement un prolongement inévitable du genre, devenu à juste titre un classique à son tour.

 

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Published by François Massarelli - dans Western Arthur Penn
27 décembre 2018 4 27 /12 /décembre /2018 10:03

Retrouvé en Grande-Bretagne, ce film de 1912, d'une durée d'une seule bobine, est en fait amputé de son début, et c'est dommage: nous sommes ici aux antipodes du style de comédie d'Alice Guy, généralement situées dans le cadre rassurant de la proche banlieue de New York, et concernant des querelles familiales autour d'un mariage. Two little rangers nous montre la vie d'une petite communauté de l'Ouest, alors que la population se ligue contre un bandit, et le travail principal est effectué par une jeune femme et une petite fille, qui font preuve d'un courage exceptionnel. Typiquement, le bandit aurait commencé, si on en croit les résumés publiés de la première partie, par battre son épouse, donc le film rejoint un courant proto-féministe, comme du reste beaucoup des films d'Alice Guy, même si c'est souvent un peu en contrebande... 

Un autre aspect notable de ce western des temps héroïques, c'est l'impressionnant choix des décors, qui permettent au film de profiter d'un suspense formidable. Et il est évident, même si on sait avec l'expérience des films d'Harold Lloyd que la hauteur d'un précipice ou d'un building est souvent exagérée voire simulée par le choix de placement de la caméra, que les cascades effectuées pour ce film étaient sans doute assez gonflées: voyez cette photo.

 

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Published by François Massarelli - dans Alice Guy Muet Western
24 décembre 2018 1 24 /12 /décembre /2018 16:23

Pat Halahan (Harry Carey) aimerait beaucoup se marier, mais il est le shérif d'une petite bourgade de l'Ouest, et on a besoin de lui. Mabel (Majel Coleman), la femme qu'il aimerait épouser lui fait comprendre qu'elle voudrait retourner en ville, et il comprend très vite que la seule chose qui l'intéresse est l'argent. Quand il se retrouve avec un peu de fonds, il décide d'aller prendre du bon temps à San Francisco... seul avec son chien. C'est là qu'il va faire la rencontre inattendue d'une voleuse charmante (Lillian Rich), qui elle ne demande qu'une seule chose: la vie au grand air... Mais le patron (Francis Ford) de la demoiselle ne l'entend pas de cette oreille, et il va falloir ruser pour pouvoir sortir Faith de sa vie de crime...

C'est un revenant, un de ces films qu'on a longtemps crus perdus, qui revient tout à coup, dans une copie certes incomplète, mais qui correspond à une condensation du récit sortie en Europe en 1925. Un film qui n'a rien d'un classique, c'était plus un complément de programme destiné à lancer une nouvelle série de logs métrages de comédie avec Harry Carey. Ca n'a pas du marcher très fort, mais c'est étonnant: d'une part, le film est très distrayant, joué à la perfection et photographié avec goût, les décors (et l'ambiance particulière) de San Francisco sont plutôt bien rendus, et d'ailleurs une partie du film y a été filmée. 

Ce type d'histoire (dont l'argument vient de Carey lui-même) a déjà été l'objet de plusieurs films: dans Bucking Broadway de John Ford, Carey lui-même quittait l'ouest pour venir à la grande ville secourir une jeune femme qui était tombée dans les pattes d'un escroc, et dans Go West, Buster Keaton revenait à la grande ville qu'il avait quittée avec un troupeau... Mais la grande surprise, au-delà du plaisir de retrouver Francis Ford ou Sojin Kamiyama, des à-côtés comiques du récit (toute une portion située dans un hôtel où un quiproquo persuade un homme irascible que Carey est l'amant de sa femme), du charme de Lillian Rich, c'est quand même le talent pour la comédie de Harry Carey, le mauvais garçon au coeur tendre des premiers films de John Ford. Il est excellent... Restauré en grandes pompes et montré au printemps dernier à San Francisco, le film est désormais visible en streaming sur le site de la NFPF, la National Film Preservation Foundation...

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Published by François Massarelli - dans 1925 Muet Western Comédie
22 décembre 2018 6 22 /12 /décembre /2018 13:47

Algie (Billy Quirk), un jeune homme de bonne famille un peu trop efféminé, doit prouver qu'il est un homme un vrai, s'il veut épouser sa fiancée: le père de celle-ci lui impose un ultimatum drastique: il va travailler dans une mine dans l'Ouest pendant un an, et reviendra pour se soumettre au test... Une fois arrivé, le pauvre Algie détonne. Mais le mineur Big Jim le prend sous son aile...

Bien sûr, ce film Solax, produit mais pas mis en scène par Alice Guy, est vaguement moralisateur, mais pas dans le sens qu'on attend: si ce pauvre Algie va finir par se départir de ses tendances efféminées (soulignées à l'extrême dans le film), il va surtout se faire accepter par les autres. Hélas, il va surtout être accepté pour sa capacité à se changer, plutôt que pour ce qu'il est; mais il est intéressant de voir de quelle manière ce cow-boy d'un autre genre est protégé par une grosse brute moustachue au coeur tendre.

Billy Quirk, un solide comédien, tient tout le film sur ses épaules, et fait preuve d'une grande présence, pas seulement dans les scènes excessives du début... Et sinon, on constate que dès les années 10, le western commence à s'insinuer un peu partout dans le cinéma Américain... Y compris quand comme celui-ci il est fait dans l'Est! Ici, le recours au western permet un jeu curieux sur les pistolets, qu'ils soient petits ou gros... Passons.

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Published by François Massarelli - dans Alice Guy Muet Comédie Western
22 décembre 2018 6 22 /12 /décembre /2018 13:39

Un nouveau contremaître arrive dans une exploitation minière de l'Ouest; tout de suite, une jeune femme, Florence, tombe amoureuse de lui, au détriment de Jake son ancien fiancé. Celui-ci souffre mais accepte de se sacrifier... Mais il entend un jour les mineurs qui se liguent contre son rival. Il décide d'avertir Florence et son nouveau fiancé, et garde l'argent contre les mutins en attendant les secours...

Cette histoire assez classique d'un sacrifice vaut pour son esthétique de "western contemporain", qui prouve que les films Solax faisaient feu de tout bois: contrairement à leur réputation on n'y tournait pas que des comédies. C'est un honnête film, mais il n'apporte pas grand chose si ce n'est une forme de réalisme qui anticipe un peu sur les productions de Thomas Ince: pas dans le jeu en revanche, on est en pleine théâtralité triomphale...

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Published by François Massarelli - dans Muet Western Alice Guy
2 août 2018 4 02 /08 /août /2018 18:31

Si la compagnie Warner est encore debout aujourd'hui, elle le doit entre autres à ce film, l'un des rares longs métrages de la série des Rin-Tin-Tin a avoir survécu intact et dans d'assez bonnes conditions. Le «héros» de ces films, un berger Allemand (1928-1932), avait été ramené d'Europe par des soldats stationnés en France, et mis au travail dès 1922! Le succès familial des films avait été la seule source profitable d'argent du studio avant que The Jazz Singer ne finisse par les installer confortablement dans l'esprit des spectateurs.

Du coup, on s'attend inévitablement à voir un petit western de rien du tout : il raconte la rencontre inattendue d'un jeune mineur, Dave Weston (Charles Farrell) et d'un loup blessé, Lobo (Rin-Tin-tin), qu'il réussit à apprivoiser après l'avoir soigné. L'amitié entre les deux, mais aussi l'idylle entre Weston et la jolie May (June Marlowe), constituent un contexte suffisant, mais il y a aussi une intrigue autour d'un escroc qui tente de s'approprier la mine de Weston ; et le film se résout dans une suite très enlevée de poursuites et de scènes d'action canine, extrêmement soignées...

Et on débouche sur une excellente surprise, un film réjouissant et toujours impeccablement interprété. Comme beaucoup de westerns de l'époque, il n'est pas situé dans le passé, ce qui nous rappelle qu'en 1925, les Etats-Unis restaient encore une terre qui recelait des endroits sauvages. Mais en parlant de sauvage, je tiens à préciser ceci: je n'aime pas les chiens, même en sauce. Mais ce Rin-tin-tin, acteur accompli, est impressionnant ! Au moins, son charisme est positif : bref, avec les limites d'usage (ce western n'a rien d'un grand film fondateur, loin de là), Clash of the Wolves est un film hautement sympathique.

Un dernier mot : l'excellent Charles Farrell était encore en devenir, mais on assiste ici à l'un de ses premiers grands rôles, et il est déjà cet homme-enfant naïf et qui a grandi sans trop savoir pourquoi. Il s'apprétait à trouver en la Fox une terre d'élection, deux années plus tard, où il allait illuminer les films merveilleux de Frank Borzage.

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Published by François Massarelli - dans 1925 Muet Western Arf! Charles Farrell **
19 juillet 2018 4 19 /07 /juillet /2018 09:03

Al Jennings (1863-1961) était un bandit. Du moins, entre le printemps et l'automne de 1897: révolté après la mort de son frère l'avocat Ed Jennings, lui et son frère se sont mis à attaquer des banques et des trains, avant d'être capturés en novembre, et envoyés au pénitencier. Libérés par le président McKinley et réhabilités par le président Roosevelt (Theodore), les deux hommes auraient pu se fondre dans la masse et se faire oublier...

Ce serait beaucoup demander à Al Jennings: celui-ci avait des histoires à raconter, et pour commencer la sienne, ou du moins les versions qu'il lui plaisait de colporter... Car dans son optique, leur cavale miteuse devenait systématiquement épique, et de deux sales gosses attardés, en colère ou en rébellion plus ou moins circonstancielle contre la société, on passait volontiers à une relecture de Robin des Bois, en plus flamboyant encore... Après quelques tentatives malheureuses d'entrer en politique, Jennings a profité de sa notoriété acquise avec un article du Saturday Evening Post, pour... entrer en cinéma!

Le premier de ses films, Beating back, a eu un certain succès; il est aujourd'hui perdu... Mais le deuxième long métrage d'importance associé à Jennings, celui qui a la réputation d'être le meilleur, c'est ce film de cinq bobines produit par l'ex-bandit lui même, et qui le fait revivre un épisode marquant de sa (courte) carrière d'outlaw... Mis en scène par un jeune réalisateur, qui avait un peu traîné sur les plateaux de Griffith, c'est plus un témoignage sans concession sur la vie à la dure de la Frontière, qu'une aventure de ce pauvre Jennings, qui traverse le film en se faisant beaucoup moins voir que son frère Frank...

Al et Frank Jennings font un coup dans une petite ville, et cherchent à échapper à leurs poursuivants: ils se réfugient dans le désert auprès d'une jeune femme et de son fils. Elle vit dans une extrême misère, dans une cabane creusée à même le sol, et n'a plus rien à manger. Les deux frères décident de lui venir en aide, et pour ça vont organiser un casse de la banque qui l'a mise sur la paille...

Je vous le disais: Robin des Bois! Mais l'intérêt est vraiment ailleurs, dans la façon dont Van Dyke se réfugie dans un naturalisme jamais excessif et tellement plus efficace que le romantisme louche de William Hart, et dans la poésie rugueuse qui se dégage de ces décors plus authentiques que jamais. La vie à la dure fascinait déjà le jeune metteur en scène, et l'inspirait...

Quant à ce pauvre Al Jennings, il est sans doute bien plus intéressant en tant que conteur qu'en tant que bandit... Ca peut, et The lady of the dugout en est la preuve, faire un bon film!

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Published by François Massarelli - dans Muet Western 1918 Woody Van Dyke *
18 juillet 2018 3 18 /07 /juillet /2018 11:57

Dans une petite ville minière, sur la Frontière, une troupe de bandits est particulièrement bien renseignée sur les transports d'or; la compagnie qui soupçonne qu'une infiltration des bureaux a bien eu lieu, dépêche sur les lieux John Murdock, leur principal détective (Murdock McQuarrie). Celui-ci ne tarde pas à soupçonner l'ambigu Frank Lawler (Lon Chaney). Le public, lui, le sait depuis le début du film...

C'est jusqu'à preuve du contraire le plus ancien film de Chaney qui ait été conservé. Réalisé pour la compagnie Nestor, qui faisait partie de Universal, il est assez typique des productions de l'époque: nerveux, au montage efficace, et interprété avec énergie par des acteurs qui savent qu'ils n'ont qu'une bobine pour convaincre... En parlant de bobine, bien sûr, le principal atout du film est son méchant, qui montre ici ses deux facettes les plus évidentes: d'une part une qualité physique particulière, un visage à la fois malléable et passe-partout, qui le distingue et l'éloignera longtemps des rôles de jeune premier (quoique Murdock McQuarrie est loin d'un John Gilbert ou d'un Wallace Reid!), de l'autre un jeu au timing impeccable dans lequel chaque partie de son corps peut être décisive.

Un exemple: comme le héros, même en 11 minutes, a droit à un début de romance avec une employée du bureau de la mine (interprétée par Agnes Vernon), il fallait que Chaney puisse aussi être une menace pour elle. Dans une scène qui est typique de son art, l'acteur n'a besoin que d'un geste de la main, précis, visible, mais vite réprimé, pour exprimer son désir pour elle, et installer une évidence dans l'esprit du spectateur: il va y avoir du grabuge... Et dans une scène dont il n'aurait pas dû être le centre, Chaney vole la vedette: ça va devenir une habitude...

Malgré tout, une fois l'intrigue achevée, c'est hors champ que le bandit, démasqué, sera abattu: puis, alors que la caméra ne bouge toujours pas, sa dépouille, portée par les habitants de la ville, est ramenée dans le champ: la plus ancienne mort conservée de Lon Chaney au cinéma n'est pas la plus confortable...

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Published by François Massarelli - dans Muet Lon Chaney Western
9 juillet 2018 1 09 /07 /juillet /2018 09:34

On a dit ça de beaucoup de films, je pense: Broken Arrow fait partie de ce cercle pas très fermé d'oeuvres qu'à un moment ou un autre on a désigné sous l'appellation de "premier western dans lequel on s'efforce de ne pas diaboliser les Indiens"... Ce qui est faux, et même archi-faux: après tout, Thomas Ince et David Wark Griffith ont développé, le deuxième dès 1909, une production de courts, moyens, et longs métrages qui justement évitaient les clichés racistes; et se contenter de dire que le western a toujours été raciste est ignorer tout un pan de l'histoire du genre. 

Mais ce qui différencie Broken arrow des autres films, c'est sans doute qu'il fait d'un pas décisif d'un anglo-saxon vers la culture Apache le sujet même du film. Il le fait avec une certaine naïveté, et un certain manichéisme parfois, mais il le fait effectivement: James Stewart y incarne un homme avec un passé de combattant Américain dans la guerre contre les populations natives, locales comme déplacées, qui découvre à la faveur d'un incident que les Apaches de Cochise, qui mènent une guerre sans concessions contre les colons d'Arizona, ont une civilisation; il le découvre par hasard mais cherche à en savoir plus, et c'est tout un pan de l'histoire fascinante du rapprochement entre les blancs et les Apaches qui nous est montré, à travers une série d'anecdotes de la nation Chiricahua et de la personnalité intéressante du chef Cochise (Jeff Chandler).

Delmer Daves choisit de donner à Stewart le rôle de nous amener dans le film, via une voix off; le décor, l'Arizona mais dans les coulisses de Monument Valley, est fidèle à l'image d'un territoire qui est effectivement totalement lié à l'histoire de la nation d'une peuplade d'Indiens qui ont souvent été amenés à se déplacer involontairement, ce qui les a unis: car les Apaches qui étaient particulièrement détachés de cet esprit nationaliste, ont été justement rapprochés, et donc galvanisés par le traitement qu'ils ont subi. Dans l'idée de voir progressivement la situation du seul angle de la nation Apache, le film prend le risque des raccourcis et du didactisme: il ne les évite pas, mais cette histoire qui par endroits tient du conte, est prise au sérieux par les acteurs et nous entraîne dans son sillage. Même si Cochise est joué par Jeff Chandler, un acteur qui a l'air en permanence d'incarner non pas un grand chef Apache, mais plutôt sa statue...

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Published by François Massarelli - dans Western Delmer Daves
12 mai 2018 6 12 /05 /mai /2018 18:48

Ce film de cinq bobines produit par la société Triangle est le cinquième de Douglas Fairbanks, son deuxième avec son complice préféré Allan Dwan, sa première contribution à l'écriture d'un film, et son premier western! Ca fait beaucoup pour un seul film, mais The Good Bad Man est suffisamment solide et pétri de qualités pour soutenir le choc... 

Sous le nom de "Passin' through" ("je ne fais que passer"), un bandit mystérieux (Douglas Fairbanks) irrite considérablement les braves gens et la loi des contés de l'ouest: en effet, il ne se comporte même pas comme un bandit: il vole un peu aux braves gens pour redistribuer aux enfants de père inconnu. Et systématiquement, il se contente de très peu, avant de faire des espiègleries. Le hors-la-loi trouve refuge auprès d'une bande de malfrats, sous les ordres de The Wolf" (Sam De Grasse), un monte-en-l'air autrement plus dangereux que notre héros. Il trouve aussi en la jolie Amy (Bessie Love) une cause à défendre, mais doit d'abord régler son problème principal: tuer le mystérieux Bud Frazer, qui a supprimé son père...

Bon, je ne révélerai pas l'identité cachée de Frazer, ce serait mal... D'autant que quiconque a l'habitude des mélodrames du temps du muet l'a déjà facilement trouvée! Ce film est un exemple de ce que faisaient Dwan et Fairbanks ensemble: du cinéma solide, riche en péripéties, mais aussi en liberté absolue, dans des décors fabuleux. Le héros est un personnage typique de Fairbanks: faussement enjoué, hanté par une quête, qui plus est liée à sa propre condition de garçon ayant grandi sans père, comme Douglas Fairbanks lui-même. Ce petit western qui a eu un énorme succès a décidé Douglas a récidiver, et à souvent revenir à la même formule, avec bonheur...

Tout ça est déjà fort intéressant, mais j'ai gardé le meilleur pour la fin: c'est aussi la première fois (Sur trois films en tout) que Fairbanks joue en compagnie de miss Bessie Love, et c'est vraiment la cerise sur le gâteau...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Western Allan Dwan 1916 Douglas Fairbanks **