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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 17:53

Le titre original de ce film étonnant (Du skal aere din hustru) signifie en Danois "tu honoreras ton épouse", et il est repris en conclusion de l'intrigue. Une intrigue parfois austère, que Dreyer considérait comme une comédie, et qui était inspirée d'une pièce à succès de Svend Rydom, La chute du Tyran... Dreyer souhaitait profiter de cette histoire de tyran domestique qui a mené son épouse à la crise pure et simple, et à quitter au moins momentanément le domicile familial, pour narrer un conte fait de gestes quotidiens, anodins et banals auxquels pour une fois on allait pouvoir s'intéresser. A ce titre, le réalisateur a souhaité, mais n'a pas obtenu de la Palladium, la société productrice, tourner dans un vrai appartement: devant la difficulté technique, il a été préconisé de tourner en studio, mais en laissant Dreyer s'occuper à sa guise de la décoration. Le résultat est superbe de précision, de banalité, avec des papiers peints, des meubles, des riens qui semblent avoir toujours été là, et qui rendent bien l'impression du quotidien d'une famille, réglée autour de la personne du chef de famille...

Viktor Frandsen (Johannes Meyer), un homme dont la carrière a connu des meilleurs jours, est un vrai tyran pour sa famille, en particulier pour son épouse Ida (Astrid Holm). Celle-ci a une confidente, Mads, la vieille nourrice de son mari (Mathilde Nielsen). Exaspérée de voir Ida souffrir des remontrances incessantes et du caractère exigeant de son mari, elle lui conseille de prendre du champ, et va s'installer à la maison, opposant aux caprices de Viktor sa propre main de fer, et lui faisant surtout goûter à la vérité d'une vie domestique bien remplie...

C'est un grand film, relativement osé pour son époque puisque l'essentiel de l'intrigue y est domestique... L'enjeu est simple: pour Viktor, il faut qu'Ida revienne, afin de le libérer de son nouveau carcan; pour Ida, Mads et d'autres (Essentiellement des femmes: la mère d'Ida est complice, ainsi que Karen, la fille des Frandsen), c'est différent: leur souhait est que Viktor non seulement fasse amende honorable, et comprenne non seulement à quel point il a pu blesser son épouse et ses enfants par son comportement, mais aussi qu'il ressente la portée de chaque geste du quotidien, qu'il comprenne à quel point le travail domestique est difficile. D'où l'importance soulignée constamment dans l'intrigue, de chaque geste. A la fin du film, il est possible pour le spectateur de savoir exactement quels sont les rituels de la maison... Quant à l'aspect de comédie, il est amené en particulier par la confrontation entre les deux fortes têtes que sont Viktor et Mads... Mais l'homme ne fait pas le poids devant la digne mais redoutable vieille dame.

Il manque encore un peu de chemin à faire pour Dreyer et ses collaborateurs pour qu'on puisse taxer leur film de féministe, mais il s'agit au moins d'un pas en avant dans la mesure ou il est question non seulement de respect, mais aussi d'aller au-delà de la convention hiérarchique du mariage, pour revenir à ce qui devrait être le fondement même de tout ménage qui se respecte: l'amour et la tendresse. Parmi les objets importants du film, le battant en forme de coeur d'une pendule qui égrène les heures du ménage, aura le dernier mot. Dreyer avec ce film au plus près des corps et des visages accomplit une oeuvre moderne, qui porte déjà en elle bien des éléments qui feront la réussite de la Passion de Jeanne d'Arc.

https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/du-skal-aere-din-hustru

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Published by François Massarelli - dans Carl Theodor Dreyer Muet 1925 DFI Criterion **