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14 mai 2014 3 14 /05 /mai /2014 17:06
The killer's kiss (Stanley Kubrick, 1955)

Dès son titre, le deuxième long métrage de Kubrick est un exercice de style qui avait tout pour être boiteux, mais réussit à échapper au désastre: un film sorti sous la bannière d'une micro-compagnie, réalisé par un amateur qui savait pertinemment qu'au mieux, il lui servirait de carte de visite pour une éventuelle carrière de metteur en scène et ne rapporterait rien... Un film noir, réalisé dans les rues de New York en pleine nuit plus pour des raisons économiques que par réel défi artistique, avec une énième histoire de femme fatale et de boxeur qui fricote un peu trop près de la pègre: on sent venir l'histoire remplie à ras-bord de clichés:

Davey Gordon, un boxeur fini sans jamais avoir percé, est amoureux de sa voisine, la jolie Gloria. Celle-ci travaille en tant qu'hôtesse dans un bar où elle danse avec les clients, et son patron, Vinnie Rapallo, a des vues sur elles. Un soir que Rapallo a raccompagné Gloria chez elle, Gordon intervient pour l'empêcher de violer la jeune femme. Rapallo envisage de se venger, et paie des truands pour qu'ils donnent une correction au boxeur, mais ils se trompent et tuent le manager de celui-ci à la place, pendant que Rapallo enlève Gloria...

Pour un metteur en scène aussi calculateur que va le devenir Kubrick, le film a l'air souvent improvisé, tourné en pleine rue, avec des événements qui font tellement authentiques qu'on les croirait improvisés sur le plateau: une rencontre entre Gordon, en pleine rue, avec des joyeux fêtards qui lui prennent son écharpe, une poursuite sur les toits durant laquelle les gangsters trébuchent... De même , le film n'est pas avare de plans volés, tournés à une certaine distance dans la rue, au milieu des passants. De même, le combat de boxe et sa préparation renvoient-ils à Day of the fight, à tel point qu'on croirait voir un remake de ce documentaire! Tous ces plans réalistes, quasi-documentaires, renvoient au premier métier de Kubrick et à ses photos, et d'ailleurs le film a été certes mis en scène par le jeune homme, mais il en est, comme sur Fear and Desire, le chef opérateur également. Sa science de l'image est ce qui trahit dans ce film le futur démiurge: si parfois on a l'illusion de l'intrusion de la vie et de ses accidents, l'agencement des plans, la science du contraste, l'utilisation fascinante de l'ombre et de la lumière sont clairement planifiés, et souvent la forme du film passe sur le devant de la scène.

L'itinéraire de Davey Gordon, premier héros solitaire (Par opposition aux militaires groupés de Fear and desire) de Kubrick, dont l'amour pour Gloria sera difficilement payé de retour tant la vie que vit celle ci est dégueulasse, est dès le départ celui d'une chute: il est un boxeur raté, qui va de défaite en défaite sans jamais avoir été reconnu. Il est prisonnier d'une spirale d'échec, d'une trajectoire pessimiste qu'on retrouvera bien entendu de film en film. Mais le passage le plus emblématique du film est une confrontation entre Gordon et Rapallo, située dans un hangar où le personnel d'un grand magasin a entreposé des mannequins. L'accumulation de ces corps de plastique, évocateurs de la nudité féminine, sont un écho de la raison de la rivalité entre les deux hommes, et un moment de style qui place d'une certaine façon The Killer's kiss dans la filiation des grands films noirs. On retiendra plus facilement du film ce commentaire ironique sur la féminité que le happy end de circonstance, qui garde au moins l'avantage d'être plaqué sur des images documentaires impeccablement prises, Kubrick ayant placé son couple qui s'embrasse en pleine rue, au milieu de passants qui ne savent sans doute pas qu'un tournage a lieu...

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Published by François Massarelli - dans Stanley Kubrick