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18 juin 2014 3 18 /06 /juin /2014 16:30

A la fin des années 60, nous assistons à l'entrainement d'un groupe de Marines à Parris Island, en Caroline du Nord. Les jeunes sont des engagés, et sont confiés à un instructeur (Lee Ermey) dont le but avoué est de faire de ces jeunes soldats des machines à tuer... Dans la deuxième partie, nous suivons les pérégrinations du soldat J. T. Davis, surnommé "Joker" , Le "farceur" (Matthew Modine), passé de Parris Island au service de presse de l'armée, qui participe à une escarmouche dans les ruines de la ville de Hué, et est témoin de l'attaque d'un sniper qui décime une petite unité, homme après homme.

Revenons en arrière: depuis 1951 et Day of the fight, Stanley Kubrick a certes beaucoup évolué, et tourné un nombre significatif de films. Il est devenu assurément l'un des maîtres du cinéma de fiction, celui dont la réputation de tyran obsédé par le contrôle du moindre bout de pellicule n'est plus à faire. Il ne tourne plus à moins de 15 kilomètres de chez lui, il reconstruit désormais l'univers qu'il filme chez lui, et bien sur on ne peut que constater à quel point le metteur en scène s'est éloigné du monde du documentaire. Sauf que... l'une des clés du cinéma de Kubrick, et c'est d'autant plus palpable pour ce film tourné à l'époque de la vidéo de salon, sur lequel on possède après tout pas mal de documentation, et dont les acteurs sont toujours disponibles, est que Kubrick, bien sur, était perfectionniste, et c'est évidemment l'une des raisons qui le poussaient à tourner des dizaines et des dizaines de prises d'une scène. Mais il avait aussi à coeur de créer jusqu'aux moindres détails des scènes, et parmi les données qu'il souhaitait rendre aussi véridiques que possible, il comptait les personnages. Il lui fallait abolir les acteurs, enlever toute barrière restante entre le film et son contenu, bref, il fallait que l'action soit non pas proche de la réalité, mais tout bonnement vraie. Dans Full metal jacket, le principal vecteur de cette recréation de la réalité, c'est bien sur Lee Ermey. L'ancien Marine a été engagé afin de servir d'entraîneur et de consultant pour tout ce qui est combat, entrainement au camp de base, action physique, etc. Il n'était pas prévu qu'il devienne acteur, mais son efficacité, son langage et ses méthodes ont tellement séduit Kubrick, qu'il a été obligé de lui confier au final le rôle du sergent instructeur Hartman...

Hartman nous a prévenu, son but est de faire de chacun des soldats une machine à tuer, et il s'y engage, avec une certaine efficacité ironique, comme le révèle la fin brillante de la première partie du film, située à Parris Island, et d'une longueur de cinquante minutes. Une mission qui renvoie à l'univers habituel de Kubrick, toujours à l'aise dans la peinture des machineries humaines en route, dont il s'attache à montrer les rouages dans leurs moindres détails, mais ne manque jamais de nous prouver qu'elles sont essentiellement vouées à l'échec. Ici, en s'attachant à la guerre du Vietnam, on s'attendrait à ce que Kubrick exprime un point de vue sur la guerre en général, voire sur ce conflit particulier. Il ne le fait pas, d'une part parce qu'il n'est pas le premier: d'autres, de John Wayne avec The Green Berets (Que "Joker" a vu, dirait-on...) à Oliver Stone avec Platoon, sont déjà passés par là. Beaucoup on exprimé un point de vue en effet, mais le plus proche de Full metal jacket, à mon sens, serait probablement aussi le plus définitif de ces films, le plus symbolique également: Apocalypse now, de Coppola, montre la folie de la guerre en se refusant souvent à prendre totalement parti. Non que les deux films aient le même déroulement, ou la même perspective...

Full metal jacket nous transpote au coeur d'un conflit dont nous saisissons d'abord les contours par deux aspects: l'entrainement des soldats, leur passage par la moulinette qui les déshumanise, un procédé qu'ils ont accepté et recherché puisque les troufions vus dans le film sont tous des volontaires. Puis on passe sans transition, après un acte de violence longuement préparé, à l'ennui des soldats du service de presse restés à l'arrière et totalement surpris par l'offensive du Têt. Une fois "Joker" et son compagnon rafterman arrivés à Hué, où Joker retrouve un ancien de la même promotion que lui, le film va se concentrer sur une anecdote, une seule, liée à la présence de ce sniper invisible. Et le metteur en scène, en occupant un site industriel désaffecté, voué à la démolition, en faisant évoluer sous ses yeux des acteurs surentrainés, et en les reprenant encore et encore, geste après geste, crée les conditions idéales pour filmer "sa" guerre. Stylistiquement, c'est aussi réussi que d'habitude, avec une clarté narrative incroyable (Dès Griffith, la lisibilité des conflits était l'un des écueils du film de guerre. Inutile de dire que Kubrick s'en tire avec les honneurs...). Et la volonté du réalisateur de placer ses soldats au coeur d'une action privée de véritable sens, et détournée de sa finalité, éclaire sa vision de la guerre. Le but avoué de Kubrick étai de filmer la guerre, objectivement, sous toutes ses facettes. Peu importe quelle guerre... Ce qui nous renvoie à Fear and desire, sans les excès symboliques, mais passe aussi par le même chemin que les autres films du réalisateur: tous les plans, échafaudages, actions à long terme dans ses films sont voués à l'échec parce qu'un élément, que ce soit à mi-parcours (2001) ou à la fin de la route (Barry Lyndon), a tout fait capoter. Et ici, les soldats à peine sortis de leurs classes sont déjà en proie au doute...

Le film, essentiellement masculin, est célèbre pour son inventivité langagière en matière de grossièreté. La faute à Lee Ermey, qui improvisait des monologues odieux et réjouissants par leur vulgarité, en s'inspirant de sa propre expérience. Mais bien sur, dans les diatribes hallucinantes dont Vincent d'Onofrio (Leonard lawrence, surnommé le soldat Gomer Pyle, soit un personnage de gros balourd dans une série Américaine des années 60) fait les frais, on a surtout de bien méchantes allusions sexuelles. Le sexe est malgré tout présent dans le film, via la représentation de la prostitution, monnaie courante, et qui semble à elle seule résumer les rapports entre les soldats Américains et les Vietnamiens. Mais la bataille finale du film voit les hommes mis en échec de façon impressionnante par une jeune Viet-Cong, qui a peut-êrte quatorze ou quinze ans seulement. Laissée en arrière par la hiérarchie, elle est sacrifiée, ne servant quà gagner du temps en supprimant le plus de Marines avant d'être abattue. une ironie certaine, qui fait que ces machines à tuer, monstres surhumains de masculinité triomphante, soient ralentis, et pour beaucoup tués par une jeune femme. Un prélude pour beaucoup d'entre eux à revenir en arrière, le final du film nous montrant les soldats partir au milieu des ruines enflammées en chantant la chanson du Club Mickey Mouse... Cette retombée en enfance est un écho de toutes scènes de la première partie durant lesquelles le soldat Pyle était puni, obligé de sucer son pouce à cause de sa gaucherie. Quant à Joker, il arbore sur son casque une devise liée à la siuation: Born to kill, "né pour tuer", et pour cause, puisqu'il n'a plus que cette ressource s'il veut survivre. Pourtant, ce provocateur porte également un badge sur son uniforme: le signe de la paix. Il affirme qu'il cherche à "exprimer la dualité de l'être humain"... Donc, si Kubrick nous montre aussi objectivement un monde de feu et de sang, inhumain et terrifiant dans lequel les soldats, lâchés dans un no man's land entre le bien et le mal, n'ont plus pour seule mission que de survivre, force est de constater que cette vision guerrière est quand même loin d'inspirer chez le spectateur autre chose qu'un certain dégout (Certes, fasciné, Full metal jacket est un de ces films qu'on peut difficilement lâcher une fois qu'on y est!) pour les activités de mort qu'il nous montre. Un film définitif, inépuisable sur le sujet. Comme d'habitude.

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Published by François Massarelli - dans Stanley Kubrick