Will Graham (William Petersen), un ancien agent du F.B.I. est appelé à reprendre du service: il a en effet rendu de fiers services dans le passé, en explorant les possibilités d'une nouvelle approche, qu'on n'appelle pas encore le profiling. La raison pour laquelle il est retiré des affaires est pourtant liée à ce passé professionnel: il a fini par faire un séjour psychiatrique à force de se mettre à la place des tueurs qu'il a contribué à arrêter ou éliminer. Au grand dam de son épouse (Kim Greist), il accepte néanmoins, en particulier pour rendre service à son ami Jack Crawford (Dennis Farina). L'enquête à laquelle il participe consiste à faire toute la lumière sur deux crimes sans précédent, mais tous deux perpétrés par le même tueur: il a massacré deux familles... Parallèlement à la progressive et douloureuse reprise de ses activités par Will Graham, nous faisons également la rencontre du tueur, Francis Dollarhyde (Tom Noonan), dans ses maladroites mais touchantes tentatives de séduction d'une collègue aveugle, Reba (Joan Allen)...
Bien des héros de Michael Mann sont tout entiers accaparés, jusqu'à l'aliénation, par leur travail: c'est notamment le cas des deux protagonistes (L'un est tueur, l'autre chauffeur de taxi!) de Collateral. Mais Will Graham est un cas d'espèce: il est amené à reprendre son travail après une quasi-retraite, et contrairement aux héros visillissants de Clint Easwood, cet arrêt des activités était totalement volontaire, et avec le soutien de son épouse. Graham sait qu'il a tout à perdre à reprendre ce métier qu'il a quasiment inventé... Ce qui apporte un intérêt fascinant à ce film qui est à ma connaissance le premier à aborder un tel domaine. Et comme Michael Mann partage avec Hawks une curiosité gourmande pour les hommes au travail, les séquences qui le voient repartir au charbon, lentement, méthodiquement, en entrant presqu'en transe, sont hallucinantes. Le film devient une descente aux enfers, pour un homme qui doit non seulement comprendre les désirs les plus inavouables du tueur, il doit aussi les ressentir, et se faire aider par un psychopathe qui ne boude absolument pas son plaisir...
Le film est la première adaptation d'un roman de Thomas Harris, Red dragon, 5 années avant The silence of the lambs. On y aperçoit aussi, bien sur, Hannibal le cannibale (Ici appelé Lecktor, interprété par Brian Cox), qui apporte son soutien si particulier à Graham, mais le film ne lui accorde pas autant d'importance qu'au héros, contrairement au film de Jonathan Demme. Et Mann a souhaité s'intéresser essentiellement à l'effet de l'enquête sur Graham, là ou Silence of the lambs déroule une enquête perçue presque selon une optique documentaire. La tension de Manhunter découle de la douleur de l'entrée progressive en contact de Graham avec le tueur, dont il va, à un moment ou à un autre, devoir avoir la peau afin de faire son deuil de leur rapprochement... Et dans sa version intégrale (3 mn cruciales qui nous montrent à quel point Graham est allé loin dans son approche, probablement trop loin d'ailleurs), on mesure les façons dont deux hommes que tout devraient opposer sont en fait si proches. Un thème qui reviendra de façon dramatique dans Heat, Insider, Collateral, Public enemies, et même, par certains côtés dans The last of the Mohicans...