Ce film est situé à un moment clé de la carrière de Vidor, et si sa réputation d'excellent film sur les effets inattendus de la magie et l'illusion d'Hollywood n'est plus à faire, je pense qu'il faut voir dans cette comédie en apparence anodine bien plus qu'une simple pochade. Rappelons que Show People, tourné durant la fin du muet pour la MGM, fait partie de la période dorée de l'activité de Vidor, et a été possible grâce à l'envie forte de Marion Davies de tourner de nouveau avec lui. Depuis peu de temps, l'actrice est enfin en position d'imposer ses choix à son amant-pygmalion, l'ombrageux William Randolph Hearst, qui voit pourtant d'un mauvais oeil sa dulcinée lui échapper en tournant autre chose que des drames... Et de son côté, Vidor qui a réalisé en 1925 The big parade tente d'imposer ses sujets, dont l'ambitieux mais peu commercial The crowd (Sorti au début de cette années 1928) n'est que le début. Il a du, afin de pouvoir mener ses projets à bien, accepter des commandes qui ne lui correspondent pas toujours (Proud Flesh, La Bohême, Bardelys the magnificent). De même le film The patsy qui le voit travailler pour la première fois avec Davies, est-il essentiellement une commande... Pourtant, Show people va arriver à point nommé pour permettre au cinéaste de montrer, grâce à ce jeu de miroirs qu'est le film (Tourné à la MGM, et truffé d'apparitions de sommités des studios de cinéma), de montrer quelle est sa place...
Peggy Pepper débarque dans un studio à Hollywood, avec son père qui comme il le dit lui-même, est prêt à "laisser les producteurs tourner des films" avec sa fille. Mais la réalité est moins facile, et c'est grâce à l'entremise de Billy Boone, un acteur de films burlesques, que Peggy est amenée à tourner un film... Comique. Elle fait ses classes dans les jes d'eau, les poursuites idiotes et les tartes à la crême, continuant à rêver de mieux en compagnie de Billy, jusqu'au jour ou elle est appelée, sans son complice, à tourner pour des productions ambitieuses. Elle va alors non seulement fréquenter une toute autre catégorie de personnes, mais aussi prendre lé grosse tête, jusqu'à laisser un gandin poudré, de vieille noblesse Européenne, la demander en mariage...
Le Hollywood dans lequel Vidor tourne son film est le vrai, ce qui lui permet de faire appel à un grand nombre de copains et de stars: certains ne font que passer (Douglas Fairbanks, George K. Arhur, Renée Adorée, John Gilbert), d'autres se prètent volontiers à la comédie. Les deux passages les plus impressionnants à ce niveau restent bien sur l'intevention de Chaplin au naturel, qui débouche sur une vraie scène complète, et bien sur l'apparition de... Marion Davies qui gare sa voiture un peu énergiquement devant Peggy Pepper. Le regard à la fois tendre et gentiment mordant de Vidor fait mouche du début à la fin de ce film, qui n'est certes pas le premier à promener ses caméras à l'intérieur des studios montrés tels qu'ils sont, mais le fait bien et avec esprit: beaucoup de gags sont basés sur le décalage entre l'image de glamour colportée par les films, et la vraie vie du studio. Les différences de ton, de méthode, de prétentions aussi entre les comiques (Dont les films ressemblent à une version cauchemardesque des moments les plus grotesques de l'écurie Sennett!) et les cinéastes plus "artistiques" sont là aussi l'occasion pour Vidor de s'amuser, parfois à ses dépens, comme lorsqu'il montre Billy faire la moue devant la projection de... Bardelys the magnificent! Mais c'est là aussi un message du metteur en scène à sa hiérarchie, lui qui souhaite consacrer son temps à des films selon son coeur. Il apparai lui-même à la fin, proposant à Peggy et à Billy de tourner un film ensemble, et c'est comme par hasard par le tournage d'une scène qui fait penser à the big parade que Show people se termine. Peggy, revenue de sa crise ridicule de prétention, a retenu la leçon et est désormais vraie. Et la surprise réelle de Billy découvrant en plein tournage l'identité de sa co-vedette permettra au metteur en scène de réussir sa scène au-delà de toute espérance.
En plus de cette thématique qui rapproche son film du naturalisme de The crowd, Vidor en profite aussi pouraffirmer l'égalité entre les êtres, dans un système qui est basée sur une hiérarchie assumée, calculée et entretenue. Si Billy rappelle que tous les acteurs ou presque ont commencé par la comédie, il est lui-même très désireux de s'élever au-dessus de sa propre condition. Mais quand Peggy le fait, elle en oublie toute humanité! Le film sert donc de piqure de rappel, en contrebande et en passant par la comédie, ce qui fait agréablement passer la pilule... Mais Vidor, éternel auteur, fait quand même oeuvre de subversion avec ce beau film, dans lequel ceux qui oublient d'où ils viennent et regardent les autres de haut se voient imposés une bonne cure de tartes à la crême.