En deux bobines, Badger semble résumer d'une façon très pertinente tout le mélodrame contemporain: un méchant hors-concours (Wallace Beery) est le tuteur à la fois d'une jeune et jolie femme (Gloria Swanson) et de son prétendant (Bobby Vernon, le héros en titre). Il s'acharne à éloigner le garçon pour épouser la fille et mettre la main sur la fortune de la damoiselle... Puis va tout faire pour se débarrasser d'elle lorsqu'il s'avérera qu'elle en sait décidément trop. Attachée à des rails, avec un train qui s'apprête à la scier en deux, Gloria sera-telle sauvée par son bon ami ou par le chien Teddy?
Ce qui nous promet un beau suspense pour la deuxième bobine, avec train, risque de se faire écraser sans pitié, montage parallèle et cascades impeccables. Et je m'en voudrais de ne pas mentionner ce grand moment d'inutilité cosmique, lorsque Bobby Vernon, attaché à un câble invisible (l'acteur, mais pas son personnage), danse de la manière la plus joyeusement crétine qui soit...
...Il me semble que le titre donne la solution, mais peu importe après tout: ce film dynamique à la mise en scène recherchée (Et on sait que badger, qui continuera sa carrière jusqu'à réaliser le fameux It en 1927, n'est pas n'importe qui) tranche de façon tellement évidente sur l'image même qu'on a des films Keystone, qu'on ne peut s'empêcher de penser qu'il inaugure une nouvelle ère pour le studio... Quant à Gloria Swanson et Wallace Beery, ils étaient bien sur tous les deux à l'aube d'une grande carrière. Pas Vernon, le héros en titre, qui sert surtout de faire-valoir dans ce petit film excitant et bien séduisant.

