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18 octobre 2014 6 18 /10 /octobre /2014 08:23

Deux jeunes cowboys (Ben Jonson et Harry Carey Jr) convoient des chevaux vers une petite ville de l'ouest dans l'espoir de les vendre. Ils arrivent à une petite ville, ou ils font la rencontre d'une groupe de mormons (conduits par Ward Bond) à la recherche de guides pour les amener en sécurité vers une vallée qu'ils désignent comme leur terre promise. Après une hésitation, les deux hommes acceptent, et le voyage va permettre à tout de petit monde de rencontrer des Navajos pas trop hostiles, des saltimbanques hauts en couleurs (Et avec un taux d'alcool dans le sang assez rarement constatés chez nos amis mormons), mais aussi des bandits, les Clegg, un homme accompagné de ses fils et neveux qui écument la région, et qui sont très, très dangereux...

Avec 85 minutes au compteur, ce film pourrait aisément être considéré comme une production de série B pour Ford. de plus, les vedettes en sont, essentiellement, les acteurs que le réalisateur-producteur a sous contrat: Jonson et Carey, habitués à jouer les seconds couteaux (Dans la trilogie de la cavalerie par exemple), Jane Darwell en souffleuse de trompette au regard halluciné, dont les oeillades à tous les hommes de passage nous font aisément douter de son appartenance à la rigoureuse tribu des disciples de Brigham Young, ou encore Ward Bond, sans oublier le toujours muet mais cette fois sobre Francis Ford, ils sont tous là... Mais pas de John Wayne, de Henry Fonda ou de Maureen O'Hara. Et il y a dans ce film une petite tendance au recyclage d'idées, avec le voyage d'un groupe vers une terre promise, l'errance d'une petit nombre de personnalités bien campées (Même si souvent caricaturales) qui nous rapellent un peu l'atmosphère sublime de Stagecoach, voire de Grapes of wrath. Le choix de Monument Valley débouche pour toute personne attentive sur une utilisation répétée des mêmes décors, et tout spectateur souhaitant évaluer la vraisemblance géographique des déplacements de nos mormons le constatera: ces gens-là tournent en rond, et d'ailleurs les mots de la fin s'inscrivent sur l'écran alors que le but du voyage n'est toujours pas atteint...

Pourquoi d'ailleurs avoir choisi un groupe aussi controversé que les Mormons, pour notre Ford toujours plus Catholique et Irlandais que jamais, qui semble ici s'accomoder de peindre l'errance d'un goupe de gens plus W.A.S.P. que la famille Bush elle-même, mais passés au travers du filtre déformant de son style: il suffit de voir comment le doyen Ward Bond ne peut réfréner une tendance à jurer qui lui attire systématiquement les gros yeux de sa communauté! On peut alors se poser la question: un groupe d'Irlandais, ça n'aurait pas été plus facile? Je pense qu'il faut attribuer la raison du choix de Ford et de son confrère producteur Merian C. Cooper à une envie de traiter un sujet rarement conté, on sait après tout la tendresse sans exclusivité du metteur en scène pour toute l'histoire de l'ouest. Et comme le film est réminiscent d'autres productions de Ford, le fait d'apporter une thématique en apparence nouvelle contourne les éventuelles critiques... Et l'histoire même des Mormons justifie après tout l'existence de ce film, qui comme je le disais plus haut, ne se termine pas par une découverte de la vallée promise, soulignant ainsi que le propos est le voyage lui-même, non son but. Une errance, aussi métaphorique (The lost patrol) que physique (Three bad men, Stagecoach), épique (Grapes of wrath, The iron horse) ou intérieure (The informer), douloureuse (Pilgrimage, The fugitive, Cheyenne Autumn) ou fondatrice (Four sons, Drums along the mohawk): le thème est illustré par tant de films de Ford.

Car ils sont bien sympathiques, ces gens qui ne ressemblent pas tellement à des mormons, amenés à cohabiter avec hospitalité (Et une certaine distance émotionnelle) avec des gens qui ne leurs ressemblent pas, et étendant une inattendue ouverture d'esprit aux autres parias de cet ouest rude de l'époque, les Navajos ou les propriétaires alcooliques d'un medicine show crapuleux. Ford peut, y montrer quelques destins qui épousent une trajectoire parfois accidentée, comme il l'a déjà fait dans ses grands films, Stagecoach en tête: le cow-boy insouciant et impétueux (Carey) épousera une jeune femme Mormon, et s'établira sans doute dans la communauté. Les Clegg trouveront leur juste récompense pour leurs services sanguinaires, les Mormons trouveront (Sans doute) leur terre promise, et l'autre cowboy pourra épouser la jeune femme du medicine show (Joanne Dru), qui de son côté trouvera la rédemption pour un passé de pécheresse qui est évident, mais jamais mentionné sinon par des regards, ou... des silences.

Car si Wagon master n'est PAS (Contrairement par exemple à l'autre production Argosy indépendante de cette même année, Rio Grande) un film mineur, bien au contraire, c'est bien par sa générosité, son humanisme et son immense poésie. Le film est une épure, un concentré d'univers familier et ensoleillé, dans lequel on se glisse avec gourmandise comme on retrouve un vieil ami. A l'heure ou Ford choisissait la redite (Les films de la Cavalerie) ou les tâches de studio, prestigieuses mais impersonnelles (Mogambo) ou carrément indignes et indigentes (What price glory, When Willie comes marching home), il prouvait aussi qu'il pouvait continuer à explorer son univers avec bonheur, en se renouvelant avec trois bouts de ficelle, sans stars, et quand même, quand même, avec Monument Valley. Voyage recommandé.

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Published by François Massarelli - dans John Ford Western