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5 octobre 2014 7 05 /10 /octobre /2014 16:31

King Vidor et le mélodrame, c'est une évidence, étaient faits pour s'entendre... Et pas plus tard qu'en 1923 le futur metteur en scène de Duel in the sun (1946) ou Ruby Gentry (1952) en a déjà tracé les contours dans ce film superbe, tourné pour la compagnie Goldwyn, qui vivait ses derniers instants avant l'absorption au sein de la MGM, le studio qui allait donner ses premiers gros succès à Vidor. Avec un casting réduit à cinq personnages, un décor exotique, on n'est pas très éloigné du film Victory de Maurice Tourneur qui voyait un certain nombre de personnages plus ou moins échoués (Même volontairement) sur une île à l'écart du monde se déchirer autour de la possession de la richesse et d'une femme. Mais là ou Tourneur privilégiait le symbolisme, Vidor laisse libre cours à son lyrisme et à son sens dramatique.

Situé au Sud de la Georgie, dans un rivage propice aux bayous et aux marais, infesté d'alligators, Wild oranges doit son titre à ces fruits qui poussent au hasard de la végétation, et qui sont nous dit un intertitre, d'abord assez peu attirants à la première bouchée, mais un arrière-gout nous pousse à y revenir. Un peu comme cet endroit apparemment désert ou vient accoster le bateau de John Woolfolk (Frank Mayo). Accompagné de Paul Halvard (Ford Sterling), un marin qui lui fait aussi la cuisine, celui-ci a pris la mer afin d'oublier le décès accidentel de son épouse, un traumatisme que le prologue du film nous a présenté. Mais très vite, il va s'apercevoir que le lieu est habité, de trois personnes: Millie Stope (Virginia Valli) y vit avec son grand-père (Nigel de Brulier), un vétéran de la guerre de sécession à demi-fou, qui s'est réfugié dans une peur permanente, de tout, qu'il a communiqué à sa petite-fille; leur voisin, l'inquiétant Nicholas (Charles Post), est une grosse brute clairement attiré par Millie, mais qui va devenir très menaçant quand il va se rendre compte de l'attirance mutuelle entre la jeune femme et Woolfork...

Vidor impose deux types de jeu à ses acteurs: aux habitants du lieu, il mipose un jeu tout en drame et en émotions, là ou Sterling et Mayo ont un jeu plus naturel, plus posé... Mais le théâtre des opérations devient assez vite l'âme humaine, un endroit qui a toujours fasciné Vidor, et ou il aime à faire se promener ses instrigues! Ainsi les marais, les bayous, la plage et le bras de mer traître (Apparemment assez facile à naviguer, il n'en possède pas moins une barre difficile à franchir, et la tempête peut être meurtrière), mais aussi la maison des Stope, avec sa grange envahie par des animaux sauvages (Raton-laveur, grue, chauve-souris gardent les lieux), le metteur en scène fait feu de tout bois pour figurer les tréfonds de l'âme humaine, le théâtre des opérations dans lequel va se jouer le drame du désir et de l'amour. A ce titre, même s'il est un personnage de méchant haut en couleurs, le brutal Nicholas est fascinant par l'affirmation haute et forte de son désir, sans parler du fait que de nombreux épisodes du film le voient prèt à dégainer un couteau pour un oui ou pour un non. Evidemment, pour lui, le désir ne saurait s'exprimer dans la subtilité, et c'est en se livrant à divers chantages qu'il va essayer de triompher du refus de Millie. Mais celle-ci qui va apprendre à cesser d'avoir peur de tout, a choisi Woolfork. Celui-ci va devoir s'impliquer au-delà de la civilité, et batailler ferme, dans une scène de bagarre monumentale marquée par la mort (Le grand-père exécuté par Nicholas qui git aux pieds des deux hommes), le feu (La maison brule dans un dernier feu de joie avant le départ des protagonistes) et d'une manière générale la violence et la passion. Vaste programme? Oui, mais Vidor, lui, il peut tout. Alors on regarde, séance tenante, le premier chef d'oeuvre du futur réalisateur de The big parade!!

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Published by François Massarelli - dans King Vidor Muet 1923 *