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12 novembre 2014 3 12 /11 /novembre /2014 16:41

Il est toujours surprenant d'apprendre que Lon Chaney, qui s'est fait une telle réputation entre 1913 et 1930 avec ses rôles à transformation, l'homme qui a mis le maquillage au centre du jeu d'acteur, développant du reste aussi bien un jeu innovant et réfléchi qu'une pratique jusqu'au-boutiste de la transformation physique, était tellement entiché de ce film qu'il le considérait comme son favori. Cas unique dans la production de l'acteur à la MGM, Tell it to the marines est un film de dix bobines, riche et à la structure bien plus complexe que la majorité des oeuvres de Browning, Conway ou Sjöström tournés par Chaney entre 1924 et 1930: ceux-ci ne dépassaient pas les huit bobines, totalisant rarement plus de 75 mn. Mais la longueur (103 mn) de ce film situé par son intrigue aussi loin que possible des envolées baroques de Phantom of the Opera s'explique peut-être par le fait que la compagnie avait bénéficié pour son tournage de la pleine assistance du Corps de Marines, permettant ainsi de compiler des images impressionnantes, qu'il ne fallait surtout pas gâcher... L'authenticité est de mise, et l'armée comme la MGM ont mis les petits plats dans les grands.

Mais le plus étonnant, c'est bien sur la façon dont Chaney, habitué des rôles de truands ou autres personnages inquiétants et torturés, le plus souvent défigurés ou infirmes, incarne ici O'Hara, un sergent instructeur, un de ces dynamiques insulteurs professionnels, dont la tâche rude consiste à faire des militaires à partir de toutes les recrues qui leurs passent par la main... Il est bourru, a le verbe haut, et possède bien sur, comme tous les personnages créés par l'acteur, une faille sentimentale: il est amoureux de Norma (Eleanor Boardman), une jolie et délicate infirmière avec laquelle il a développé une relation de complicité platonique. Une nouvelle recrue arrive, Skeet Burns (William Haines), un jeune séducteur combinard et sur de lui, qui va forcément prendre en grippe son sergent... Mais celui-ci, qui voit vite les sentiments naître entre Norma et Skeet, est-il son bourreau, ou son ange gardien?

Chaney à l'oeuvre, dans ce film, est d'autant plus étonnant qu'il n'a pas un gramme de maquillage. De là à croire qu'il s'agirait de l'homme lui-même, à nu, il n'y a qu'un pas, que les plus avisés ne franchiront pas: on sait que Lon Chaney était très secret, et ne laissait rien transparaitre de lui-même, de sa vie, de sa famille, ou de tout ce qui aurait enfreint sa pudeur. Mais il a aussi si souvent dit à quel point il était satisfait de ce film, de ce qu'il avait pu y faire, de son personnage à la fois à vif et secret, que le doute reste permis. Et O'Hara, ce concentré d'humanisme sauvage, est l'un des personnages les plus attachants de l'acteur. Le film est divisé en trois parties, la première qui prend presque une heure est consacrée aux classes de Skeet, et au développement de l'idylle entre les deux jeunes gens. La deuxième, ensuite, amène les jeunes recrues pour une vague mission de protection en Asie, avant que la dernière ne vire à la mission de sauvetage: des jeunes infirmières sont menacées d'être prises en otages par une troupe de bandits Chinois, et les Marines viennent les aider à évacuer les lieux...

Bien sur, ce type de situation dans laquelle un sergent instructeur cache son humanité et sa tendresse pour les recrues derrière une façade bourrue est devenue depuis un cliché, mais rappelons que ce n'était ici que la première fois que la situation était exploitée au cinéma! Et Clint Eastwood a bien du voir le film avant d'en faire une (très pâle) copie avec Heartbreak Ridge... Hill passe de la quasi-comédie à une série très réussies de scènes d'action et de combats, en imprimant un rythme très soutenu. Servi par une photo splendide (Et par bonheur, des copies complètes de première génération ont survécu, ce qui rend le plaisir du spectateur intact 90 ans plus tard), des acteurs d'exception, un script énergique et une idée fédératrice (On assiste aux classes de Haines, mais c'est Chaney qui reste l'intérêt principal du film, donc tout le monde est content), Hill livre un film qui possède tout ce qu'on est en droit d'attendre d'un film Américain de 1926: chaleureux, rythmé, captivant, drôle et riche. Et même le fait qu'il nous montre l'armée comme une joyeuse famille ne réussit pas à tempérer le plaisir de gosse qu'on prend à à la regarder...

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Published by François Massarelli - dans Muet Lon Chaney 1926 *