Ce film de 30 minutes est bien sur le premier Frankenweenie, puisque Burton y reviendra: c'est probablement normal, puisque dans ce projet très personnel, tourné en prise de vue réelles pour Disney (Par opposition à son remake sorti en 2012, qui lui sera tourné en stop-motion, comme le film de Selick The nightmare before Christmas, ou bien sur Vincent, le court métrage fondateur du style Burton), Burton y installe son univers très personnel, qui se retrouvera de film en film, entre Beetlejuiceng>, Edward Scissorhands, voire Big Fish: le monde, trop propre, trop ennuyeux, vu à travers les yeux créatifs d'un enfant trop doué, et trop porté sur les histoires horrifiques. Et comment ne pas penser à l'enfance de Tim Burton lui-même, passée à Burbank, banlieue somme toute normale, dont l'essentiel de l'activité (Studios Disney, studios Warner) se déroule sur les plateaux de cinéma à créer du rêve aux antipodes de cette normalité à se rendre malade? Frankenweenie a beau être en noir et blanc, on imagine sans peine les couleurs rose bonbon, jaune canari et bleu ciel, des robes, nappes, chemises Lacoste des protagonistes et voisins. Et Tim Burton a fait appel, pour interpréter les parents de Victor le héros, à deux acteurs qui vont parfaitement incarner cette normalité trop tranquille...
Ben et Susan Frankensein (Daniel Stern, Shelley Duvall) sont les heureux parents de Victor, un enfant qui s'amuse à tourner des films avec une caméra super 8, qui mettent essentiellement en scène son chien Sparky, déguisé le plus souvent en monstre ultra-destructeur à la Godzilla. C'est innocent, c'est drôle, ça ne prête pas à conséquence, et le lien entre Victor et Sparky est si touchant... Mais un jour, Sparky se fait heurter par une voiture, et Victor est inconsolable... Jusqu'au jour où un cours de sciences lui donne une idée: il va tenter de redonner vie à son chien en usant de l'électricité... Mais cela va surtout créer des problèmes, car comment faire comprendre à un chien comme Sparky, une fois revenu d'entre les morts, qu'il lui faut montrer profil bas, lui qui a tant l'habitude de se promener dans le voisinage? La confrontation entre le chien zombie et les voisins W.A.S.P va être douloureuse...
A travers ce gentil Victor, ces gentils parents, et cette édifiante histoire d'amour d'un garçon de 11 ans pour un chien, Burton s'amuse à peindre une banlieue dont les cloueurs doucereuses semblent cacher un monde terrifiant, fait de suspicion, de lutte territoriale, d'espionnage même. Un monde soumis à une quête effarante de la normalité: la fille des voisins, en tenue d'aérobic, fait subir à sa Barbie un entrainement intensif en lui disant qu'elle ne travaille pas assez; le voisin vient frapper à la porte des Frankesnstein en accusant un hypothétique chien au moindre problème, et une petite dame utilise son activité principale (Et unique), d'arrosage des plantes, pour espionner le voisinage et écouter les conversations. Et au milieu de tout ça, Tim Burton convoque le mythe cinématographique du Frankenstein de James Whale (Expérience avec l'électricité, coutures apparentes, électrodes qui dépassent et moulin en flammes) tout en commençant subrepticement à installer son univers: le bric à brac du grenier de la famille Frankenstein, un désordre qu'on retrouvera dans Beetlejuice, recèle déjà de suprenants trésors: des rennes pour une décoration de Noël, une bicyclette assez similaire à celle de Pee-Wee Herman... Pour son expérience, Victor utilise des cerfs-volants, dont un qui n'est pas sans rappeler la chauve-souris de Batman... Quant au mythe de Frankenstein, il reviendra par la grande porte avec Sleepy Hollow. Le monde de Burton est d'une grande cohérence, et ce film est sans doute la meilleure des introductions, juste adaptée, le temps d'un film, aux exigences raisonnables de Disney. Mais bon, ça raconte quand même l'histoire d'un garçonnet qui redonne vie à son chien mort, et les tribulations du zombie canin qui s'ensuivent, ce n'est pas rien!