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30 décembre 2014 2 30 /12 /décembre /2014 10:24

Deuxième ou troisième film de DeMille (Les filmographies divergent à ce sujet), The Virginian avait beaucoup pour être un Squaw Man bis, avec les mêmes acteurs, les mêmes décors (Du moins en ce qui concerne les aspects Westerniens du premier film), et le même genre de source théâtrale; pourtant, la différence entre les deux est grande; d'une part, le metteur en scène sait désormais où il va et fait désormais du cinéma, sans avoir à tout inventer sur place pour retranscrire un pièce de théatre; d'autre part, le film est un western, le premier Western conscient de Cecil B. DeMille, alors que The Squaw Man était un mélodrame qui se déroulait dans l'ouest. Ici, Dustin Farnum est chez lui dans le Wyoming, et le folklore Westernien joue un rôle considérable.

L'intrigue, assez simple, repose sur deux conflits; d'une part, le "Virginien"(Dustin Farnum)est unCow Puncher, très apprécié de ses collègues et amis dans le Wyoming; son meilleur ami, Steve, est tenté par le banditisme. Lorsque Steve rejoint une bande de voleurs de bétail, le héros se doit de le punir avec les autres bandits et préside à sa pendaison. Sa petite amie, une institutrice fraîchement arrivée du Vermont, est déchirée entre son amour pour le héros et sa haine de la violence.

D'emblée, ce qui frappe dans ce nouveau film, c'est la décontraction de l'ensemble, mais aussi l'aspect transitoire du film: on est encore entre deux mondes, dans un style expérimental fascinant oscillant constamment entre archaïsme et nouveauté: Beaucoup de scènes sont tournées de façon théâtrale en un seul plan, mais le montage joue malgré tout un rôle dans l'identification des deux personnages principaux, ou encore pour construire ou raffermir une tension; la continuité, héritière des "tableaux" des films Edison ou Pathé, est par endroits un peu elliptique, ainsi lorsqu'on passe de l'arrivée de maîtresse d'école a la fête organisée en son honneur, sans que cela soit nécessaire. Par contre, ici ou là, la caméra s'approche, ou se laisse approcher (Réminiscence des Musketeers of Pig Alley(1912) de Griffith?), laissant la distorsion de l'espace souligner le suspense; si les plans de gare sont tous inspirés de la fameuse Arrivée d'un train en gare de La Ciotat des Frères Lumière, il est intéressant de souligner des plans de voyage en diligence filmés depuis l'habitacle du véhicule; enfin, tout en reproduisant le théâtre dans ses plans, DeMille cherche systématiquement des décors (Beaucoup d'extérieurs évidemment) qui élargissent le propos, et les place à bon escient; ainsi une poursuite se déroule-t-elle dans des prés, des forêts, des vallées, laissant le spectateur en profiter pleinement. Cette recherche de l'espace, cette excitation de la nature profite au film - et au western muet en général - et se marie bien avec la photographie solaire de Alvin Wyckoff, qui collaborera de nouveau avec DeMille; son travail est pour beaucoup dans l'impression naturaliste de l'ensemble.

Bien que DeMille emploie les mêmes acteurs, ils sont meilleurs que dans The Squaw man, comme si là aussi ils avaient pris conscience de n'être plus au théâtre, mais dans un autre médium; on est plus proche d'un certain naturalisme, à l'instar des productions Universal ou Ince de la même époque, dont la retenue du jeu est d'ailleurs souvent dictée par une volonté d'efficacité en même temps que pour échapper à la grandiloquence: a ce sujet, il faut revoir les Westerns Universal de John Ford avec Harry Carey, du moins les rares qui nous soient parvenus...

Quant à l'argument du film, il est plus intéressant, plus Westernien que celui du film précédent: du reste, si The Squaw Man contait l'arrivée d'un Européen dans l'ouest, celui-ci inverse le point de vue, et se place du coté des autochtones, qui voient arriver une institutrice. Le plus surprenant dans le film reste d'ailleurs l'impression que le conflit entre le progrès et la Frontière, qui sera à la base de très grands Westerns plus tardifs (Oxbow Incident, The man who shot Liberty Valance, les films de Peckinpah) est exposé, par le biais de l'institutrice et de son dilemme, puis remis à plus tard à la fin: Dustin Farnum la séduit dans la séquence finale. Mais les jalons sont posés: en ce monde idyllique(Les cowboys chevauchent, boivent, rigolent, font des farces de collégiens, etc), le problème de la violence est bien là: la scène de la pendaison est à ce titre exemplaire: dans un premier temps la violence tragique de l'acte est atténué par les fait que des bandits libres y assistent, cachés au loin. Le spectateur, qui les a vus peut plus facilement prendre parti pour les héros en dépit de la gêne que leur acte peut nous inspirer; mais une fois la pendaison effectuée, la vision fugitive de deux ombres de corps pendus nous renvoie à la réalité, tout

en continuant à la dissimuler. Une autre séquence nous procure un exemple de la volonté de l'équipe de faire du cinéma à tout prix: lors de la nuit qui précède la pendaison, les deux amis silencieux côtoient dans le même plan une surimpression témoignant de leur insouciance passée. Aussi crue soit-elle, elle anticipe des recherches qui culmineront avec The Whispering chorus 3 ans plus tard. On notera que le chef opérateur des deux films est le même. A qui faut-il attribuer cette idée, DeMille ou Wyckoff? Les paris sont ouverts, mais la présence de cette surimpression, des années avant la mode venue de Suède (Körkarlen, en 1921) est assez rare dans un film Américain de 1914, à plus forte raison un western.

Bref, ce film ne manque pas de qualités, tout en ne faisant pas plus de 55 minutes. Il témoigne de la vitalité de son metteur en scène, et de son équipe. Si The Squaw Man était une réussite, ce nouveau film va plus loin encore, et annonce beaucoup de feux d'artifices, aussi bien chez DeMille lui-même, que dans le cadre, alors en devenir, du Western.

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Published by François Massarelli - dans Cecil B. DeMille Muet Western 1914 *