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Pour commencer, il faut bien sur oublier Ed Wood lui-même, sa carrière, sa vie et ses films, car ce n'est paradoxalement pas le plus important en ce qui concerne ce sixième long métrage de Tim Burton, le premier à se situer en périphérie du fantastique, dans un monde qui est à peu près réel, et dans lequel en tout cas toute manifestation surnaturelle est en réalité du spectacle, du faux, de l'illusion assumée comme telle: ce ne sera pas souvent... Mais en effet, ce pauvre Edward Wood Junior a beau avoir existé, le film ne sera en aucun cas l'histoire de sa vie, mais plutôt un parcours allégorique et sublimé qui parle bien plus que de cinéma. Et soyons justes: non, Tim Burton ne s'est en aucun cas identifié à Wood!
Le film épouse donc la forme d'un biopic, mais bien sur il n'est pas comme les autres: dès le départ, le metteur en scène épouse la forme de son sujet en choisissant de tourner en noir et blanc, et demande à son compositeur (Howard shore, car une fois n'est pas coutume, Elfman et Burton sont fâchés) d'écrire une partitition à la manière de, qui sonne comme une bande originale de film de science-fiction... Mais aussi bien l'image, riche en contraste et gothique à souhait (Burton a choisi d'utiliser du vrai noir et lanc au lieu de se contenter de désaturer les couleurs, et ça se voit), est très soignée, ce qu'on ne peut décidément pas dire des films de Wood...
Nous suivons donc la trajectoire dans les années 50 du jeune aspirant metteur en scène (Johnny Depp), fasciné par Orson Welles, et qui a choisi de vivre à Hollywood, ou il végète en attendant une reconnaissance qui ne viendra jamais. Il a des amis, avec lesquels il monte des pièces de théâtre improbables, qui font un flop après avoir été vues par quatre personnes en moyenne. Il vit avec une jeune femme, Dolores Fuller (Sarah Jessica Parker), une actrice qui ignore un fait pourtant essentiel de la personnalité de son ami: il aime se travestir, sans pour autant être homosexuel... Un jour, il saisit une opportunité inespérée lorsqu'il apprend qu'une compagnie s'apprète à tourner un film à partir d'une anecodte de transsexualisme. il écrit un script, vite fait mal fait, et tourne en quatre jours une oeuvre qu'il estime cruciale, Glen or Glenda, qui sera jugé par les quelques rares personnes l'ayant vu comme un navet intersidéral. Mais Wood est désormais un réalisateur, et il va tour faire pour le rester, en saisissant toutes les occasions de tourner, trouvant au passage le moyen de rencontrer et de faire tourner l'une de ses idoels, Bela Lugosi lui-même (Martin Landau). Ensemble, ils vont poursuivre un but commun: réaliser une oeuvre pour laquelle ils resteront à la postérité...
Tim Burton réussit à donner à son film une énergie très positive, alors que les côté lamentable des agissements de Wood et de sa bande de bras cassés et de minables, aussi bien intentionnés soient-ils, ne peut échapper à personne. Du coup, le film acquiert une tendresse pour les personnages qui fera sérieusement défaut à Mars Attacks! deux ans plus tard... Et à travers Ed Wood et son entourage, se dessine une sorte de marge merveilleuse, un univers à part dans lequel une troupe d'amis s'entr'aident, pour créer ce qui est inconsciemment un plaidoyer pour la différence. Comme le fait remarquer Wood, ses tournages absurdes sont l'occasion de faire travailler des marginaux qui ne trouveraient sans doute pas de travail autrement, et la plupart d'entre eux ne sont pas dupes de leur manque de talent! Bunny, l'homosexuel militant, Criswell le voyant médiatique, Vampira la gothique présentatrice de films à la télévision, Bela Lugosi, star lessivée et au bord de l'éejection à la rue, Tor Johnson le catcheur au vocabulaire incomplet, sont tous une famille, unie dans sa médiocrité militante, et à eux tous, ils forment un univers bien proche des films fantastique, une sorte de famille Addams, qui en plus, luxe notable, a presque existé...
Un monde qui a presque existé, inspiré des anecdotes réelles des tournages d'un type un peu louche, mais avec un coeur gros comme ça, qui a accumulé les rencontres avec des losers ous plus sympathiques les uns que les autres: le parallèle avec un autre film "à part" de Burton, Big Fish, me parait particulièrement facile à souligner, et c'est exactement ça: deux films qui affichent avec tendresse et humour, une humanité à tout épreuve, mais racontée depuis les coulisses, la marge, à l'écart de notre monde. Et cette énergie dépensée à tourner des navets est tout simplement une des manifestations les plus magnifiques de la beauté de la vie d'un artiste au cinéma!