Unique en son genre dans la carrière de Blake Edwards, ce film situé entre Breakfast at Tiffany's et Days of wine and roses est exactement ce qu'il annonce dans son titre: un film noir dans lequel le specateur est plongé dans une atmosphère nocturne de terreur tangible, liée à une affaire certes peu banale, mais d'un réalisme glaçant: Kelly Sherwood (Lee Remick), une jeune employée de banque, rentre chez elle à la nuit tombée, et est soudain confrontée à la voix d'un homme qu'elle ne verra pas, ou si peu: il lui demande, tout bonnement, de voler de l'argent pour lui, et lui annonce qu'il la tuera, ou tuera sa jeune soeur si elle ne s'exécute pas. Une fois l'homme parti, Kelly se précipite sur le téléphone pour contacter le FBI, mais l'homme est immédiatement de retour, il savait qu'elle tenterait de se faire aider, et entend lui faire comprendre qu'il contrôle la situation. Mais l'appel, aussi bref soit-il, était suffisant, et permet au lieutenant Fédéral Ripley (Glenn Ford) d'entrer en contact avec la jeune femme. Mais il va falloir être discret, car le meurtrier potentiel (Ross Martin) a des yeux partout...
Tourné dans un noir et blanc poisseux, la nuit pour l'essentiel (Les jours ne semblent être faits que de l'attente des tourments de la nuit à venir, ou des conséquences malsaines de la nuit passée), dans un San Francisco méconnaissable et menaçant, le film explore avec le talent inouï d'un cinéaste pourtant plutôt versé sur le burlesque débridé (Un clin d'oeil à Mack Sennett est d'ailleurs présent dans une scène située dans un cinéma) les possibilités de suspense liées à la situation initiale, avec les agents fédéraux et une héroïne qui avancent à vue, en essayant tous de ne pas devenir les jouets d'un criminel qui a décidément toujours de l'avance. Edwards se plait, dans un exercice de style brillant, à jouer de son sens visuel remarquable (Et il en faut pour réaliser un film comme The Party), au service d'une histoire angoissante à souhait. Un style dans lequel il utilise avec merveille la profondeur de champ, le clair-obscur et les gros plans, et auquel il ne reviendra jamais vraiment, même s'il s'en approchera avec The Carey Treatment ou The Tamarind Seed...