Ce film présente les mésaventures fort drôlatiques, étonnantes et pleine de rebondissements du chevalier Giacomo Casanova de Seingalt, dont on se demanderait volontiers où il acquit son titre sinon dans les boudoirs, chambres, lits et sofas les plus aristocratiques, tant la polissonnerie lui tient au corps. Nous suivons le chevalier de Venise à St-Petersbourg, puis de retour à Venise, fuyant en permanence les hommes de bien et les hommes de loi dont il a généralement lutiné les épouses à moins qu'elles soient encore en train d'attendre leur tour légitime. La République de Venise s'acharne sur lui, et il va tour à tour s'improviser magicien pour y échapper, se faire passer pour précepteur auprès, s'il vous plait, de la Grande Catherine de Russie, sauver des orphelines en danger, se faire arrêter, condamner à mort, et s'évader, non sans continuellement s'arrêter en route pour contempler quelque minois de passage...
Ivan Mosjoukine a constamment fui lui aussi, la Russie communiste d'abord, puis la compagnie Albatros dont il était la vedette principale pour conquérir son indépendance artistique et financière, mais ce n'est pas tout: si on ne va parler de l'affaire Romain Gary ici, a aussi du séduire bon nombre de femmes!
Mais l'identification n'est pourtant pas totale entre le maitre d'oeuvre-acteur-scénariste Mosjoukine et le picaresque chevalier. Mosjoukine se sert de la figure légendaire pour installer son image de Douglas Fairbanks à la Franco-russe, bondissant et triomphant de l'adversité sans jamais s'arrêter. Et le film est une fête visuelle permanente, à la rigueur cinématographique d'autant plus étonnante que le scénario joue volontiers la carte parodique. La mise en scène, donc, due au complice Alexandre Volkoff, quasiment venu en France dans les bagages de la star, et qui va constamment donner de l'ampleur, dans un luxe impressionnant, à la reconstitution extravagante du passé; et Mosjoukine (qui était aussi metteur en scène, et l'avait prouvé en France avec deux splendides films, L'enfant du carnaval et La brasier ardent) n'est pas e reste, décidant lui aussi de participer à la fête qui consiste à ce que chaque plan, sans exception, ait quelque chose qui le rende spécial. Et quand Mosjoukine est dans le champ... il se débrouille toujours pour que ce soit lui qui soit spécial. Il me fait penser non seulement à Fairbanks, mais aussi et surtout (particulièrement dans ce film) à Chaplin, comme dans une scène où il se fait arrêter. Les deux gardes qui doivent l'escorter en prison tournent les talons mais pas lui. Quand ce petit monde avance, il va dans le sens opposé à ses gardiens, le genre de méprise typique de Chaplin... Qu'il va ensuite compléter en les rejoignant d'une façon inimitable, et on ne voit finalement que lui!
La distribution est bien sûr dominée par Mosjoukine, mais il sait s'entourer: on trouve dans le rôle de Catherine la grande Suzanne Bianchetti, préposée aux rôles de reines et d'impératrice. On en peut pas passer sous silence la superbe composition totalement siphonnée de Rudolph Klein-Rogge qui joue son mari, le Tsar Pierre III de Russie, une composition burlesque assez inattendue pour les habitués de ses rôles chez Fritz Lang: oui, il était aussi bien l'ingénieur fou Rotwang dans Metropolis que le Dr Mabuse du film du même nom... Volkoff, complice fréquent de Mosjoukine qu'il a accompagné depuis la Russie jusque à l'Albatros, et l'a ensuite suivi dans sa quête d'indépendance, joue à fond la carte de la grande classe, dans une superproduction dispendieuse dont le luxe est impressionnant, mais sert la carte de l'ode à la joie de vivre, incarnée à travers Mosjoukine par le jouisseur Casanova.
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