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25 février 2015 3 25 /02 /février /2015 17:09

A Las Vegas, Frannie et Hank s'aiment, et fêtent en cette soirée un anniversaire de leur couple. Ca commence par un échange maladroi de cadeaux qui font plus plaisir à celui qui offre qu'au destinataire, puis par une étreinte délicate, avant de dégénérer après le repas en une dispute de trop. Frannie va dormir chez sa copine, et le lendemain, les deux amants vont s'efforcer de tromper l'autre, dans un Las Vegas de rêve...

Dernier d'une série de cinq chefs d'oeuvre consécutifs, ce film unique est une expérimentation réussie de narration continue: Coppola souhaitait en toute simplicité créer une sorte de pendant cinématographique à la télévision en direct, et créer un film en temps réel. Ayant abandonné cette idée, bien sur, et après avoir caressé l'idée de tourner un film à la façon de Rope de Hitchcock, constitué d'une succession de plans-séquences enchaînés les uns aux autres pour créer l'illusion d'une unité temporelle, le réalisateur a fini par imaginer avec le chef-opérateur Vittorio Storaro et le décorateur Dean Tavoularis une combinaison entre des plans-séquences et des scènes dans lesquelles les personnages séparés les uns des autres pouvaient être filmés dans les mêmes plans, par le biais de lumières modulées selon les besoin, de décors qui apparaissaient ou disparaissaient, de voiles ou autres. Un dispositif compliqué, qui a nécessité la création à part entière d'un studio, dans lequel le film a été intégralement tourné.

Le mot studio a dans le monde du cinéma, on le sait, deux sens: d'un côté le lieu fermé et contrôlé dans lequel on tourne un film, de l'autre une structure de production dans laquelle tout est organisé en département, une entreprise dédiée à la création cinématographique, et qui fournit clés en mains des films tous faits aux distributeurs. C'est l'autre grand rêve de Coppola que ce film accomplit: depuis la création de la structure American Zoetrope, qui avait co-produit tous les films de Coppola, et accompagné le cinéaste aux Philippines pour son film le plus célèbre, qui avait également produit l'intrigant THX 1118 de Lucas, Coppola se rêvait en nabab de cinéma... Zoetrope studios, réellement créé en 1979, est donc tout entier dans ce film... Cette tentative chère et forcément vouée à l'échec, de recréer une structure à l'ancienne, va d'autant moins marcher que sa seule production One from the heart, échec commercial cuisant, sera finalement retiré des écrans au bout d'une semaine! C'est dommage, car derrière le cinéaste et son rêve d'un monde intégralement recréé, derrière les amants malchanceux incarnés avec génie par Teri Garr et Frederick Forrest (Deux acteurs sous contrat, pas des stars de premier plan, mais des acteurs formidables dont Coppola voulait fièrement montrer le talent) et derrière cette extravagance musicale (Les scènes sont constamment ponctuées de chansons interprétées par Tom Waits et Crystal Gayle), on trouve un film d'une chaleur et d'une tendresse rare, qui se résout, en dépit des modes de l'époque, plutôt dans la comédie parfois inattendue que dans le drame, et on retrouve aussi la grandeur visuelle des grands anciens auxquels Coppola rend hommage: Welles, mais aussi Michael Powell, qui était à l'époque, très souvent présent sur le tournage de ce film!

Et au final, cette simple mais merveilleuse histoire dans laquelle la caméra unit la solitude de deux personnes qui se séparent sur un coup de tête nous émeut plus que de raison: l'éloignement des deux personnes, mues par la rancoeur, est contredit par le rapprochement de leurs deux parcours, au sein des mêmes plans. Un dispositif cinématographique compliqué pour raconter une histoire simple, c'est comme Sunrise... Ca a coûté cher, c'est luxueux, mais c'est aussi parfaitement exceptionnel, à tous les sens du terme: des comme ça, il n'y en a pas deux. Et plus on y revient, meilleur c'est.

One from the heart (Francis Ford Coppola, 1982)
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Published by François Massarelli - dans Francis Coppola