Entre 1924 (Der Letzte Mann, Die Nibelungen) e
Un condamné dans une prison raconte les circonstances qui l'ont amené à a perpétuité, afin qu'on juge s'il a mérité une grâce: Boss (Emil Jannings) est un ancien trapéziste, qui s'est reconverti à Hambourg en aboyeur de foire suite à un grave accident. Lui et sa femme coulent des jours tranquilles mais mornes, en compagnie de leur bébé. Un jour, ils recueillent une jeune femme naufragée (Lya De Putti) qui leur est amenée par des marins. Nommée Berta, elle devient très vite une "artiste" elle aussi, dansant dans des tenues légères. Elle aguiche Boss, qui résiste un temps, mais finit par se laisser tenter. Il abandonne épouse et enfant pour reprendre en compagnie de la jeune femme son ancienne activité. Un jour à Berlin, Artinelli (Warwick Ward), un trapéziste virtuose dont le frère et partenaire a eu un accident, les aborde et leur demande de travailler avec lui. Sous le nom des "Trois Artinelli", ils vont réaliser un spectacle qui va les transformer en grandes stars du music-hall, mais le triangle qu'ils forment va aussi amener la mort...
Le ton est énergique, volontiers ironique. Dupont laisse faire ses acteurs avec un sens du réalisme qui détonne avec la production Allemande de l'époque qu'on tend à nous présenter... En même temps, il n'est pas Pabst et ne dissimule aucun message de colère sociale dans son film, qui est une radiographie mélodramatique de la vie, comme tant de films muets Européens. Le monde du spectacle devient le théâtre des passions vertigineuses de Boss et de la jeune Bertha, dont le corps est le principal argument: avec ses trapézistes, quoi de plus normal, Dupont mise tout sur le physique de ses interprètes et leur demande de beaucoup donner. Il les filme au plus près, mais n'utilise pas dans les scènes dramatiques le montage avec excès, il préfère se concentrer sur la dynamique des corps. Il faut voir Jannings partir, dans un long couloir filmé par une caméra immobile, Lya de Putti accrochée à lui et trainée sur le sol littéralement, voir culbutant dans l'escalier sans qu'il s'agisse d'un truquage ou d'une cascade.. Et Dupont sait jouer de sa sensualité, la transformant parfois en animalité. L'intensité dramatique du crescendo final aboutit sur une brutalité sans pareille... Jannings se débarrasse une bonne fois pour toutes des oripaux expressionnistes, tout en étant toujours aussi capable de traduire en gestuelle une vie intérieure foisonnante, qui graduellement et inexorablement, mène à l'explosion des sentiments à la fin du film. C'est une très grande oeuvre, enfin disponible et à ne surtout manquer sous aucun prétexte!