1600: Orlando (Tilda Swinton) est un homme, personne ne peut en douter... C'est donc sous la ferme mais tendre houlette de la vieillissante Elizabeth que le jeune homme s'installe dans la vie, avec une carrière prometteuse comme seuls les nobles peuvent en rêver; la reine lui accorde le droit de garder son chateau et son héritage toute sa vie, pour lui et ses héritiers, à condition qu'il ne vieillisse ni ne s'étiole jamais...
C'est comme si c'était fait...
Pourtant, tout va mal aller: Orlando végète, ne va prendre que les mauvais raccourcis, les mauvaises décisions, se laisser aveugler par l'amour de la belle Sasha (Charlotte Valandrey), et devenir le jouet des hommes qu'il croise, exploitant systématiquement sa gaucherie. A tel point qu'un jour, dans sa longue vie, puisqu'il est immortel, il se réveille une femme. Du coup, on ne lui demande plus les mêmes choses... Mais on ne lui reconnait pas non plus les mêmes droits, puisqu'il est une femme, et qu'en plus selon toute vraisemblance il, ou elle, devrait être mort (e)...
Voilà un film bien intrigant, adapté d'un roman de Virginia Woolf, qui questionnait de façon humoristique par ce conte extravagant d'un homme qui non seulement ne vieillissait pas, sans vraie explication, mais en prime se changeait à sa grande surprise en femme d'un jour sur l'autre! Et Sally Potter ne cherche pas à nous donner plus d'explication, laissant le film passer par la non-narration subtile d'une Tilda Swinton parfaite de bout en bout, qui s'identifie en narratrice à plusieurs reprises par des regards lourds de sens, appuyés, à la caméra.
Ce faisant, Orlando prend possession du récit, et un final en forme de vraie conclusion nous permet de mener cette appropriation à un point satisfaisant. En attendant, Sally Potter s'est bien amusée, a utilisé avec adresse des décors généralement superbes, et a bien profité du paradoxe d'Orlando pour faire passer subtilement des idées un brin féministes, sans trop forcer la dose. Et elle remercie Michael Powell, une preuve de bon gout, mais justifiée: d'une part, le vieux cinéaste (Décédé en 1990) lui a apporté son soutien durant la phase de préparation du film, d'autre part, elle cite ouvertement plusieurs films du maître: Gone to earth, The life and death of Colonel Blimp (Dont l'héroïne interprétée par Deborah Kerr, pâle et rousse, incarnait déjà l'éternel féminin constamment réincarné) entre autres...