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24 avril 2015 5 24 /04 /avril /2015 10:34

2008: David Murch, un conseiller Républicain du président en exercice, candidat à sa propre réelection, est interrogé à la télévision par une mère de soldat. Elle a perdu son fils, engagé en Irak, et réclame des réponses à toutes les questions légitimes que peuvent se poser les mères dans son cas. Il est troublé: il a lui-même perdu son frère, parti se faire tuer au Vietnam, et la question va longtemps résonner dans son esprit. Il fait en direct le voeu que les soldats reviennent afin de juger si l'intervention était légitime ou non. Egalement présente sur le plateau, une intellectuelle de droite, mais vraiment de droite, et séductrice notoire, Jane Cleaver, applaudit à ce qu'elle croit être une technique de Murch. Elle va d'ailleurs lui conseiller de souffler au président de faire le même voeu, tout en débutant une relation agressive avec le jeune conseiller. Le problème, c'est que le camp Républicain ne va pas tarder à constater que le voeu s'est bien réalisé, mais que les zombies de la guerre d'Irak ne sont pas contents, mais alors pas du tout: il veulent voter, et a priori pas pour le président... Son staff électoral a des soucis à se faire. Pendant ce temps, l'ambitieuse Jane Cleaver monte un à un les échelons de l'appareil de campagne...

C'eest dans le cadre d'une série de télévision, l'anthologie Masters of Horror, que dante a réalisé ce petit film. Le constat est sans appel: autant le cinéma semble ne plus avoir de place pour un metteur en scène aussi reconnu et talentueux que Dante (Qui pour les studios, reste probablement le responsable du naufrage de Gremlins 2, The New Batch), autant la télévision est une terre d'accueil pour des projets décidément atypiques, mais dans lesquels il a, relativement, carte blanche. Le sujet de ce film d'horreur politique (A ma connaissance, une première) est inspiré d'une nouvelle de Dale Bailey, Death and Suffrage, publiée en 2002, et qui voyait avec préscience le camp de Bush tout faire pour exploiter la ferveur guerrière, et éventuellement contourner l'opposition à la guerre en leur faveur, pour l'élection de 2004. C'est exactement ce qu'ils ont fait... Sam Hamm, scénariste réputé, a adapté la nouvelle afin de l'intégrer à l'anthologie produite par IDT Entertainment. Le choix de Dante est d'autant plus pertinent qu'il est de notoriété publique plutôt à gauche, et depuis toujours s'est fait un chantre d'une Amérique des bonnes gens face aux tricheurs et menteurs de tout poil, généralement situé sdans les conseils d'administration (Looney Tunes back in action), dans l'armée (Piranha), les politiciens (The second Civil War).

Le film, en son état, est plutôt une comédie qu'une film d'horreur, dont il détourne par contre certains codes: le choix a été fait de débuter sur une scène spectaculaire de rencontre entre David (Jon Tenney) et Jane (Thea Gill) d'une part, qui conduisent de nuit sur une route isolée, et des zombies qui les ont identifiés comme ceux qui les ont trahis. La scène donne lieu ensuite à un flash-back qui nous présente toute la situation, mais elle est aussi chargée en sens: la voiture est conduite par Murch, mais Jane fume sans vergogne, lui disant que c'est "sa voiture". Toute l'outrecuidance du personnage est contenue dans un échange amer; quelques instants après, une clé transparente est donnée par les auteurs: on aperçoit la plaque d'immatriculation, dont l'identification est BSH BABE, un renvoi, à un U près, au président contemporain. Sans jamais le nommer, le film est un brûlot anti-Bush, particulièrement fort d'autant qu'il est surtout destiné à taper sur son camp: ainsi Murch, politicien intègre qui s'est trompé, est-il le seul à êttre épargné. tous les autres voient arriver les zombies et décident de trouver le moyen devoler l'élection avec eux. A plusieurs reprises, Jane Cleaver (Cleaver, c'est un hachoir à viande, au passage) dit des horreurs sur la gauche, dont il est clair qu'elle les pense (Elle me fait immanquablement penser à Nadine Morano, mais elle pense quand même); il est parfois fait allusion à l'histoire lamentable du vol de l'élection de 2000 par les Républicains de Floride, et le staff du président parle effectivement de "ne pas l'élection à l'autre camp"! Donc, nous dit en substance ce film de moins d'une heure, la démocratie est en danger...

Bon, tout ce qui précède donne sans doute l'impression d'un spectacle d'une grande finesse, mais on peut faire confiance à Dante pour éviter toute grandiloquence: il s'amuse, comme il le fait dans tous ses films, avec les codes, le jeu des ateurs, et la sacro-sainte urgence d'un film d'horreur: pas de discours pesant, du gag, de l'exagération... Et des allusions: parmi les tombes de soldats aperçues ça et là au cours du film, on notera celles de Gordon Douglas, George Romero, et Jacques Tourneur. Dante est, depuis toujours et pour toujours, un connaisseur et le choix de l'hommage à ces trois cinéastes fait sen... Ne payant pas de mine, ce petit film gonflé et pétant de santé est excellent, d'autant qu'on ne peut pas le taxer de la moindre prétention. Il est aussi bien plus réussi, à mon sens, que l'autre participation de Dante à la même série, intitulé The screwfly solution, et diffusé l'année suivante.

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Published by François Massarelli - dans Joe Dante