Situé entre deux classiques souvent cités dans les histoires du cinéma (Joan the woman et The little Americ
Après Geraldine Farrar et avant Gloria Swanson et Bebe Daniels, DeMille fait équipe avec Mary Pickford, et la collaboration entre les deux montre bien que l’actrice n’était plus pilotée par le metteur en scène, mais une artiste en charge de son métier, comme Lillian Gish dans les années 20. Elle est époustouflante… Sur un scénario de Jeanie McPherson, A Romance of the redwoods commence par une double intrigue, montrant d’une part une jeune femme de l’Utah rendue seule par un décès, contrainte de partir retrouver un oncle en Californie, et d’autre part un bandit (Elliott Dexter) qui va usurper l’identité d’un chercheur d’or tué par les indiens afin d’échapper à la police; sans surprise, le mort n’est autre que l’oncle, ce qui va précipiter nos deux héros ensemble… Le reste de l’intrigue va se développer dans un premier temps autour de la tension née de la confrontation entre les deux, et de la difficile cohabitation : si les motivations du bandit n’ont pas besoin de développement, la nécessité de survie de Mary Pickford est liée à la présence dans la ville minière d’un bordel, annonciateur d’un possible destin tragique pour la jeune femme; puis la rédemption du bandit, déclenchée par l’amour naissant entre les deux protagonistes, va changer la donne : c’est désormais ce qui va motiver l’action des deux héros, séparément aussi bien qu’ensemble.
Le suspense reste le maître mot de l’œuvre, d’autant que les deux personnages sont splendidement campés; si Pickford l’emporte, c’est qu’elle était déjà une star, mais Dexter (Voir Old Wives for new, dans un registre fort différent), moins identifiable pour le spectateur d’aujourd’hui, est suffisamment convaincant : le spectateur n’a d’autre ressource que de prendre parti pour eux. DeMille et McPherson gardent du western le sens des grands espaces, largement exploités dans la première partie, au cours de laquelle la caméra (Alvin Wyckoff, toujours) prend ses distances, mais dès l’arrivée de Pickford dans la cabane, la tension se construit autour de plans rapprochés et d’un découpage magistral: Le sens de l’économie du metteur en scène est ici particulièrement notable: un gros plan, un seul, de Pickford en plein dilemme, et des plans moyens d’une grande lisibilité. Le souvenir des expériences en clair-obscur et de l’éclairage à la Rembrandt de The Cheat se ressent dans les séquences de la cabane, rendues baroques et inquiétantes par un jeu d’ombres et de lumières parfaitement efficaces.
Enfin, le souvenir de The Golden Chance hante ce film dans lequel la rencontre de deux mondes précipite un certain nombre de protagonistes dans le drame, résolu dans des séquences de suspense, au cours desquelles c’est bien évidemment Mary Pickford qui mène le jeu : elle recourt à un surprenant mensonge en ces temps prudes, surtout dans un film de l’auteur de Manslaughter: pour sauver celui que désormais elle aime d’un lynchage imminent, elle prétend être enceinte de lui. On retient son souffle… Néanmoins, le film est plus détendu que Golden Chance, et tout se finit dans un éclat de rire, point d’orgue pas inapproprié à toutes ces péripéties…