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29 mai 2015 5 29 /05 /mai /2015 17:51

Mais qu'est-ce qui lui a pris? Pourquoi, après quelques années passées au pinacle du cinéma muet Américain, Cecil B DeMille a-t-il commis ce film, qui va inaugurer de façon spectaculaire une nouvelle carrière dédiée au mauvais goût? On peut remarquer plusieurs choses dans le contexte de la carrière du cinéaste, tout comme dans le contexte du Hollywood de 1922, qui permettent d'expliquer rationnellement, sinon d'excuser la sortie de ce long métrage. Tout d'abord, on constate que DeMille, y compris dans ses films les plus importants, n'a jamais hésité à avoir recours au pire, comme en témoignent les scènes-paraboles de Don't change your husband et de Male and female, ou le sujet même, particulièrement "risqué" de The Cheat. Ensuite, on sait qu'à partir de 1922, les réalisateurs et producteurs doivent respecter un code de conduite qui va les obliger à contourner de façon inventive les interdits en les subvertissant: ainsi le recours au prétexte moralisateur deviendra-t-il le principal moyen pour DeMille de montrer les turpitudes humaines en établissant un parallèle entre les moeurs de 1920 et les vices de l'antiquité, un sujet qu'il affectionnait comme chacun sait, et une tendance qui fera des petits: The sign of the cross et Cleopatra notamment, chacun en son genre, seront un festival de détournement à des fins salaces. Manslaughter n'est pas en reste, Thomas Meighan se détournant les yeux à plusieurs reprises pour nous donner à voir des réinterprétations bibliques (Danses lascives, nudités furtives, orgies avinées...) terrifiantes de ridicule.

Le problème néanmoins n'est pas dans le mauvais goût, il est plutôt dans la présence désormais envahissante de ce qui aurait pu n'être un sous-texte moralisateur acceptable, comme celui qu'on retrouve dans les longs métrages de Lloyd ou Fairbanks, et qui en fait devient l'apparente raison d'être de ses films: c'est dans le but de montrer les moeurs dissolues de la haute société bourgeoise, et de la stigmatiser aveuglément, de façon manichéenne, que DeMille a fait ce film; qu'importe qu'il soit ou non sincère: le résultat lui donne tort; afin de raconter son histoire (Un procureur amoureux d'une jeune femme riche et pervertie doit la condamner et la réformer malgré elle, puis doit récolter les fruits amers de son sacrifice), DeMille a considérablement allégé sa patte, l'a appauvrie, jetant aux oubliettes le style élégant et subtil qui fut le sien, la profondeur de champ, la science du cadrage, le jeu fin et retenu des acteurs; avec Manslaughter, on est devant un cinéma muet qui se caricature lui-même...

Il y a bien quelques moments intéressants: la façon dont la prison va humaniser Leatrice Joy, par exemple, est l'occasion de beau moments, comme les démonstrations de solidarité entre les détenues. Mais DeMille y reviendra avec autrement plus d'efficacité dans The Godless Girl, par exemple... L'ironie sous-jacente de la situation sauve un peu l'intrigue, mais le fait pas intertitres interposés. Où est la science du détail de DeMille, so utilisation intelligente du montage? 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1922 *