The road to yesterday faisait assurément partie des plus étonnants films de son auteur, du moins lorsque on peut le voir dans de belles copies. Ce curieux mélange de drame bourgeois un peu boursouflé (Un couple marié subit les affres du doute tandis qu'une femme "moderne" hésite entre l'amour de sa vie, un pasteur, et un bellâtre à moustache cynique mais bien de son temps, le tout étant relié par des fils assez ténus) et de film fantastique à la petite semaine (Tous ces gens sont les réincarnations des protagonistes d'un drame du moyen âge) souffre vraiment de la gaucherie du scénario de Jeanie McPherson et de plus les personnages utilisent un grand nombre d'intertitres pour énoncer les justifications les plus inutiles: ainsi à chaque fois que c'est possible, un des 5 protagonistes dira «C'est étrange, je sens que nous avons déjà vécu cela au moyen âge», ce qui torpille toute notion d'étrangeté. René Clair, à la même époque, ne s'embarrassait pas d'autant d'explications pour ses films poétiques (Le fantôme du moulin rouge).
Quelques scènes toutefois, surnagent: dans l'une d'entre elles, située dans les beaux décors du Grand canyon, deux personnes tombent amoureuses l'une de l'autre autour d'une flèche qu'un Cupidon inattendu (un gosse qui campe dans les parages) vient de planter dans un arbre; une autre scène montre le mari d'un couple (Rudolf Schildkraut, qui est tout en retenue dans le film) qui passe outre le refus de son épouse de consommer leur union, une scène traitée tout en délicatesse, avec force ombres, détails (une rose qu'on piétine) et lenteur calculée; enfin, quand les héros sont précipités vers le moyen-age (Epoque très indéfinie: un intertitre nous transporte "300 ans en arrière" alors que les costumes font plutôt 14 ou 15e, et les décors franchement 12 ou 13e. ) dans un pays non précisé, par le biais d'un accident ferroviaire assez spectaculaire et bellement stylisé, réminiscence d'un beau film Autrichien de Michael Curtiz, Les chemins de la terreur (1921). DeMille l'avait-il vu? J'en doute, même si Curtiz avait vu les DeMille à cette époque, bien des oeuvres en témoignent. Par ailleurs, Jetta Goudal, en sorcière bohémienne, est brûlée vive dans une scène qui complète Joan the woman par l'utilisation très impressionniste d'un jeu d'ombres...
Quoiqu'il en soit, véritable curiosité, The road to yesterday est selon moi un échec: en tant que film fantastique, il est bien paresseux et trop bavard (Un comble pour un muet); même avec la meilleure volonté du monde, il me semble impossible de croire à cet enchevêtrement de coups de théâtre et manquant souvent d'humour. Les acteurs font leur minimum (On remarque dans l'un des rôles principaux Rudolph Schildkraut, déja vu chez Griffith-Orphans of the storm, America-et qu'on reverra souvent chez DeMille, ainsi que William Boyd, qui prend alors la relève de Wallace Reid.), et il n'y a, à part les scènes citées plus haut, rien pour rendre le film plus mémorable. Après ses Ten Commandments, pas extraordinaires mais sincères, et avant son impressionnant King of kings, il semble que DeMille n'ait plus rien à dire; la mise en scène mollassonne le confirme. Un coup pour rien, donc... Ou plus simplement, peut-être, maintenant que le metteur en scène était aussi le patron de son propre studio, fallait-il faire bouillir la marmite à films afin de rentabiliser les investissements.