Jasset fait partie de cette poignée de cinéastes pionniers qui n'ont pas survécu aux années 10, les Bauer, Tucker ou Jasset, tous décédés encore jeunes, tous considérés dans leurs pays respectifs comme des maîtres à l'influence considérable. On a coutume de donner une place de premier plan à Louis Feuillade pour le développement du film policier, et du serial criminel, mais Feuillade a probablement été influencé par Jasset, comme d'ailleurs tous les cinéastes du monde: c'est qu'à la compagnie Eclair où il travaillait, on n'avait ni l'esprit bourgeois de la Gaumont qui souhaitait toujours privilégier le point de vue des honnêtes gens et des forces de l'ordre (Phlippe Guérande dans Les Vampires, Juve et Fandor dans les Fantomas) quelques que soient les turpitudes des bandits, ni le tempérament revendicatif des films de Capellani à la Pathé, qui se situaient clairement à gauche. L'Eclair, à bien des égards, et en particulier les films de Tourneur et ceux de Jasset, se situait là ou le film devenait excitant: c'st dans les films de Jasset qu'est née une conception dynamique du film de genre, qu'on n'appelait pas encore film de gangsters, mais c'est une appellation qui aurait collé sans problèmes...
Bandits en automobile est inspiré de façon évidente par l'épisode sanglant de "La bande à Bonnot, du nom de son chef, Jules Bonnot, qui venait de défrayer la chronique avec une série d'actions illégales spectaculaires; leur spécialité, c'était le hold-up rapide en automobile, en pleine rue. Ils étaient animés d'un esprit anarchique évident, dont Bonnot a souvent largement usé pour donner une publicité à ses propres crimes. D'une crapulerie violente, qui passait souvent par la mort de leurs antagonistes (Policiers, courriers, gardiens, etc), les malfrats de la bande à Bonnot prétendaient être passés à une forme de lutte armée pour la liberté absolue... C'est dire s'ils étaient sulfureux en cette période durant laquelle la bourgeoisie et le paternalisme semblent régner. Le film fait donc la part belle à des actions coup-de-poing, menées par un certain "Bruno", qui ressemble d'ailleurs clairement à son modèle. La plupart des représentants des forces de l'ordre, du gouvernement, voire les victimes de la bande sont en revanche assez anonymes, le point de vue étant celui des bandits. leur cavale nous est montrée, de leur premier coup jusqu'à un assaut de la police sur la retraite de Bonnot, et Jasset nous détaille avec expertise tout leur parcours, en filmant parfois au plus près des corps. Le film joue la carte de la modernité, en filmant avec dynamisme les poursuites en voiture, et les spectaculaires fusillades. De quoi nous faire regretter que tant de films de Jasset aient été perdus...