Sorti un mois après Citizen Kane, The devil and Daniel Webster (Sous le titre provisoire de All that money can buy) semble avoir bénéficié de l'atmosphère particulière du film de Welles, dont le compositeur Bernard Herrmann a été engagé par Dieterle, pour une partition fantastique faite de superbes variations sur des airs folkloriques. The devil and Daniel Webster, pour reprendre le titre le plus courant, est adapté d'une nouvelle du même nom de Stephen Vincent Benet, parue en 1937, et représente un cas rare de film fantastique purement Américain, si on oublie qu'il s'agit d'un démarquage de Faust... situé dans la Nouvelle-Angleterre de 1840.
Jabez Stone (James Craig), fils et petit-fils de fermier, vit dans le New Hampshire, et il a du mal à joindre les deux bouts. Il vit avec son épouse Mary (Anne Shirley) et sa mère (Jane Darwell). Cette dernière veille au grain et au maintien de la religion dans le foyer, mais les temps sont durs: la ferme rapporte peu et les profiteurs sont légion, Jabez sent qu'il va avoir de plus en plus de mal à maintenir sa ferme sans être obligé de travailler pour les autres... il a une parole malheureuse, née de la lassitude: il vendrait bien son âme du diable pour deux cents... C'est trop tard, il été entendu: nous faisons la connaissance de Scratch (Walter Huston), qui va très vite assurer la richesse à Jabez, pour sept ans. Ce dernier trouve vite la vie très belle, mais son âme noircit très vite... Il va falloir l'aide du meilleur homme de la région, l'avocat et politicien Daniel Webster (Edward Arnold), pour le sortir de là avant qu'il ne soit trop tard...
Cette merveille a eu à peu près le même destin que Citizen Kane, à une nuance près: si le film n'a pas eu le succès qu'il méritait, il n'est pas devenu officiellement le meilleur film du monde pour tous y compris ceux qui ne 'ont pas vu, comme l'oeuvre maîtresse de Welles... On serait pourtant bien inspiré d'y jeter parfois un oeil, tant le film est beau, différent, pétant de santé et d'impertinence. Dieterle, on s'en souvient, était déjà un cinéaste doué (Et un véritable électron libre) en Allemagne du temps du muet, tout en étant un acteur attentif à ce qui se tramait autour de lui. Acteur chez Leni (Le cabinet des figures de cire, 1923), chez Murnau (Faust, 1926), le moins qu'on puisse dire est qu'il en a retiré un don pour le clair-obscur, et pour le traitement de l'image. Sa mise en scène est unique en son genre, dans un film qui ne repose évidemment pas que sur les effets, mais qui joue de la technique comme aucun autre. Cette histoire rurale est racontée avec un savoir-faire d'abord folklorique, avant de bifurquer vers un fantastique assez hallucinant, aidé par des acteurs qui jouent la partition avec une aisance rare. C'est, on l'aura compris, une merveille rare à (re) découvrir séance tenante!
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