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C'est une histoire de rien. Pour commencer, "Burn after reading", c'est une allusion aux documents "top secrets", qu'on doit brûler après les avoir lus, et le film commence justement dans un temple de ce genre de document: le QG de la CIA à Langley, Virginie. Un homme, Osbourne Cox (John Malkovich), subit une humiliation: il est rétrogradé de son poste d'analyste financier. Du coup, il s'emporte et donne sa démission, ce qu'il n'arrive pas à dire à son épouse, dont il fait bien dire qu'elle ne l'écoute pas. C'est Tilda Swinton, et elle trompe Osbourne avec un con, un gros, un beau, pour tout dire c'est George Clooney, qui a toujours dit qu'à chaque fois qu'il interprète un rôle pour les Coen, il bat des records de crétinerie. Mais là, le con en question est un VRP multi-cartes de la muflerie, car non seulement il trompe sa femme Sandy, une dame qui a fait fortune en écrivant des livres pour enfants, mais en prime il trompe sa maîtresse en répondant aux annonces de rencontres, et en se faisant passer pour séparé. De son côté, Linda Litzke (Frances McDormand) travaille pour un centre de remise en forme, ou elle a un grand copain, Chad (Brad Pitt). Linda souhaite financer une quadruple opération esthétique, tout en rêvant au grand amour, qu'elle a la malencontreuse idée de vouloir concrétiser par le biais des sites de rencontres. Tout ce petit monde va se retrouver autour d'un mystérieux document, un CD-rom contenant à la fois les données financières du compte d'Osbourne, que son épouse envisageant le divorce a récupéré afin de faire analyser ses chances de rafler la mise, et les notes prises par Osbourne qui souhaite raconter ses années de CIA dans un livre abandonné au bout de trente minutes. Le CD est trouvé dans le club de gym, et Chad et Linda sont persuadés de tenir un document en or qui va les enrichir...
Burn after reading, donc: une fois brûlé, le document ne laissera aucune trace. Et c'est un peu ce qui arrive aussi aux cadavres dans le film, tués en des circonstances diverses, violentes bien sur, souvent tristement comiques pour ne pas dire hilarantes, mais la CIA est là, qui veille, on ne retrouvera donc rien. Pas plus que Linda et Chad n'arriveront à comprendre exactement à quel point le document qu'ils ont en leur possession n'est en fait que rien, un rien aux proportions cosmiques, auquel ils attribuent une dimension ridiculement inverses à sa véritable importance. C'est que dans ce film, personne n'est rien, personne n'est personne. Tout le monde ment, pas grand monde ne comprend. Tout le monde a ses préoccupations, et elles sont loin d'être très hautes, intellectuellement parlant... Les deux maître-chanteurs sont préoccupés de leur physique, Brad Pitt a un vocabulaire très limité, et Clooney se vide l'esprit d'une manière radicale: d'une part, il a une vie sexuelle débridée, d'autre part, il court. Mais il est aussi paranoïaque, sachant que parfois il a raison de se méfier, mais la plupart du temps, il se trompe totalement...
C'est une prouesse d'avoir fait un film sur un tel vide, et on retrouve bien là les tours de passe-passe auxquels nous ont habitués les deux frères dans leurs comédies: monter une histoire de kidnapping quand personne n'a été kidnappé, une affaire de rançon dans laquelle l'argent se perd dans l'indifférence générale, un scénariste qui ne trouve pas une minute pour écrire un script que de toutes façons personne ne semble lui demander, et un chanteur révolutionnaire se fait piquer son créneau par un inconnu qui va devenir Bob Dylan, renvoyant l'autre aux oubliettes... Burn after reading, c'est un film fait sans doute pour patienter entre deux oeuvres majeures, mais on y est bien, parce qu'on y rit et qu'on se lâche... même pour rien.
Et en plus, Brad Pitt est encore plus idiot ici que George Clooney, avec lequel il partage une scène, une seule, mais elle laissera des traces.