Deux ans après la démission de Nixon, qui encourait un risque sérieux d'impeachment (Une procédure de privation des droits supérieurs du président, pouvant conduire à sa mise en examen et sa criminalisation, qui rappelons-le a été tentée deux fois, mais n'a jamais abouti, contrairement à la croyance populaire), un film revient avec talent sur l'enquête du Washington Post, menée par deux jeunes journalistes dont un relativement novices: Bob Woodward et Walter Bernstein sont interprétés respectivement par Robert Redford (Qui co-produit le film, et le crédit est sans ambiguïté: "A Redford-Pakula film", il le signe donc aussi...) et Dustin Hoffman. Nous assistons à la fameuse et désastreuse soirée du Watergate en juin 1972, durant laquelle des "plombiers" nocturnes, en costume et cravate, se font piquer par des flics en bob et survêtement, puis Woodward s'empare de l'affaire en y décelant des détails troublants, puis cela va très vite... Le film n'ira pas jusqu'au bout, et s'arrête de façon significative avec le soutien affiché du patron des deux journalistes, Ben Bradlee, incarné par rien moins que Jason Robards. La suite, finalement, est désormais de l'histoire, et on n'a pas besoin d'aller y voir plus loin que ce que les journaux, justement, en ont relaté.
Le film prend appui sur une longue tradition, celle d'un cinéma qui traite la presse avec une certaine tendresse, et des films qui prennent appui sur le parler ultra-rapide et largement codifié des hommes et femmes du métier. Et la vérité, ici, passe à travers des bribes d'enquête dans lesquelles le téléphone, les visites impromptues, les faux départs, mais aussi le bafouillage, les dénégations et autres traces de gêne prennent le pouvoir. Les deux acteurs principaux sont aussi naturels que possible, et l'enquête est parfois ardue, mais toujours suffisamment claire pour qu'on y comprenne ce que vont finalement comprendre les deux journalistes: cela va, et ira, toujours plus haut, et cette affaire de micros posés comme par des amateurs cache en fait un complot anti-démocratique qui mouille plus d'une sommité gouvernementale. Et le film, souvent cité en exemple par David Fincher (Qui lui emboîte la pas dans son admirable film Zodiac) est d'une rigueur permanente, ne se basant que sur le point de vue des deux journalistes du début à la fin.
Et pour finir sur une note tendre, je ne me lasse pas des bougonnements de Robards appelant avec colère ses deux jeunots en raccourcissant l'appel d'un tonitruant "Woodstein!"... Les deux journalistes, vaguement concurrents à l'origine de leur collaboration, sont désormais collés l'un à l'autre pour l'éternité, et gravés dans l'Histoire avec un grand H.