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19 décembre 2015 6 19 /12 /décembre /2015 09:10

L'Herbier a souvent raconté comment, durant ses années chez Gaumont, il a du batailler ferme contre la bêtise du maître des lieux, Léon Gaumont, qui ne comprenait absolument rien à ses recherches... Lorsque L'Herbier par exemple avait recours à un flou artistique, savamment pesé, calculé, et inséré de façon dramatique dans une scène, au cours de la projection de présentation aux producteurs, le patron ne manquait pas une occasion d'engueuler le projectionniste, accusé d'être incapable de faire le point! On n'a pas forcément idée, en voyant aujourd'hui ses films, quel point il était novateur, et surtout à quel point L'Herbier sentait le cinéma, en ayant pour cet art encore balbutiant des idées qui aujourd'hui ont fini par s'installer... Ainsi que d'autres plus étonnantes qui tendent à rendre son style si distinctif. Dans un film de L'Herbier, pour commencer, aucun plan n'est naturaliste, y compris si l'intention était de capter la vie, il y aura toujours quelque chose pour le distinguer: cadrage, voire encadrement (Il aime les iris inattendus et les caches biscornus, et en use en en abuse avec délectation dans cet Homme du large), teintes recherchées et mélangées au cours d'une séquence, un jeu d'acteurs souvent paroxystique, et une utilisation parfois envahissante des intertitres, qui véhiculent une poésie certes novatrice, mais bien embarrassante. Avant Feu Mathias Pascal, l'oeuvre de L'Herbier est faite de films qui oscillent constamment entre le génie formel et le ridicule de l'intrigue, et ce mélodrame de la mer ne fait pas exception.

On y fait la connaissance d'une famille Bretonne (Les Bretons vus de Paris, ombrageux, superstitieux, chaussés de sabots et pauvres d'esprit comme de bourse), dans laquelle le père (Roger Karl) pêcheur se réjouit de la naissance de son fils Michel. Il décide que le fils sera sa chasse gardée, et que l'épouse se chargera de Djenna, la file aînée. Mais en grandissant, les deux adolescents sont diamétralement opposés: Djenna (Marcelle Pradot) est exemplaire, et Michel (Jaque-Catelain) est un feignant, attiré par le vice, auquel on père passe tout, jusqu'au jour bien sur où e drame s'installera dans le village, à cause évidemment de Michel...

Stylistiquement, c'est souvent enthousiasmant, avec un sens du rythme plus qu'enviable, grâce à un montage hyper serré, et cette touche visuelle qui détache sensiblement es films de L'Herbier du tout-venant. Mais quelle salade! Toujours aussi prétentieux, le metteur en scène appelle son film une "marine", comme il avait appelé Rose-France (1918) une "cantilène", et convoque les figures du mélodrame ultra-conservateur comme si c'était l'évangile. Aveuglé par l'affection, il donne aux deux acteurs qui partagent sa vie le beau rôle, et Pradot s'en sort bien, d'autant qu'elle a un rôle passe-partout, mais Jaque-Catelain est immonde, ayant finalement plus de talent dans la coiffure que dans on jeu d'acteur. Le mélodrame est classique et sans véritable logique, et franchement, dans cette histoire moralisatrice (Michel est vraiment diabolique, la preuve, il va au café le dimanche), on ne voit pas un seul instant où le metteur en scène veut nous amener. Bref, L'Herbier avait beaucoup à dire, il avait aussi et surtout beaucoup à apprendre...

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Published by François Massarelli - dans Muet Marcel L'Herbier 1920 *