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Ce film est l'histoire édifiante d'un gangster: en 1917, Louis Berretti (Edmund Lowe), un bon fils pour ses parents, est en réalité le chef d'un gang de truands spécialisés dans le cambriolage de bijouteries. IL mène son monde à sa guise, truand certes, mais exigeant quant à la moralité de sa soeur (Marguerite Churchill). Arrêté, il va être puni d'une façon inattendue: il est envoyé en Europe pour participer au conflit contre les Allemands. Il en revient couvert de gloire, et désireux de s'élever. Mais va-t-il pouvoir reprendre sa vie dans le quartier, sans retomber dans les ennuis?
Sorti juste avant Up the river, Born reckless prouve que Ford n'était plus, en 1930, aussi à l'aise pour y tourner des films selon son coeur qu'il n'avait été depuis 1920 à la Fox... Il y a bien sur plusieurs facteurs, certains ayant d'ailleurs été fort bien exposés dans le documentaire Murnau, Borzage and Fox de John Cork: essentiellement, la perte de contrôle de sa société par William Fox a amené les nouveaux décideurs à redistribuer leurs cartes, et d'ailleurs, Ford comme d'autres vont être amenés à céder une partie de leur contrôle sur leurs films à des co-réalisateurs sensés plus à même de s'adapter au son. Officiellement, celui-ci est un film de John Ford, mais il a en fait été co-dirigé par un certain Andrew Bennison. Il serait facile de lui attribuer le ratage du film, je ne me le permettrai pas. D'abord parce que Born Reckless est malgré tout une tentative par Ford de retrouver partiellement dans certaines scènes le style qu'il avait adopté, à l'imitation de Murnau, avec Upstream en 1927, et dont il avait encore usé dans Hangman's house, Mother Machree et une partie de Four sons en 1928. Ainsi ce nouveau film, plutôt orienté vers la peinture de la faune urbaine et de la pègre, est-il riche en scènes nocturnes, en recherches sur l'éclairage et l'ombre, qui parfois sortent le spectateur de sa léthargie. On retrouve même vers la fin du film un décor qui nous est familier, pour l'avoir vu filmé de plusieurs angles dans plusieurs films: un marécage embrumé vu dans Lucky star (Borzage, 1929), Four sons (Ford, 1928), et... Sunrise (Murnau, 1927)... L'autre raison qui nous pousserait à continuer à attribuer ce film surtout à Ford, c'est une direction d'acteurs parfois erratique, déjà vue dans le poussif Black watch (1929) et qu'on retrouvera dans l'ennuyeux Flesh en 1932!
Tout comme son style visuel, le film est un mélange un peu indigeste entre film de gangsters, comédie ethnique (Avec des conversations en Italien mêlant les acteurs qui le parlent et ceux qui le déchiffrent...) et même comédie de guerre: durant le passage consacré à la première guerre mondiale, c'est comme si la Fox se souvenait tout à coup avoir produit le film What price glory? de Raoul Walsh... Mais si Ford essaie de s'imposer un style parfois recherché, avec de belles compositions ça et là, l'ensemble est quand même torpillé par la lourdeur des acteurs et des dialogues. Sorti un an avant Public enemy et Little Caesar, Born Reckless ne leur arrive pas vraiment à la cheville.