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9 février 2016 2 09 /02 /février /2016 09:07

On n'attendait pas vraiment Griffith sur ce terrain, mais le titre de cette chronique douce-amère est un peu une antiphrase... L'auteur de tant de mélodrames, si peu enclin à manier l'humour subtil des mots, s'est pour une fois laissé aller, pour un de ses films les plus inattendus, et les plus personnels. Il a aussi été à l'encontre de sa tendance si facile à la xénophobie, et en particulier pour qui a vu Hearts of the world, à l'anti-germanisme le plus primaire. Il convient de rappeler que Griffith a toujours suivi le vent, et que le vent de 1923 n'est pas le même que celui de 1918 au niveau des sentiments de l'Amérique envers l'Allemagne. Mais de là à imaginer David Wark Griffith emmenant sa troupe (Carol Dempster, Neil Hamilton, Frank Puglia, et le chef-opérateur Hendrik Sartov) en Europe pour en ramener un état des lieux de la pauvreté de la population Allemande écrasée par la crise, franchement, il y avait un pas à franchir... C'est pourtant ce que propose ce film adapté d'un roman de Geoffrey Moss, qui montre, avec des extérieurs filmés en Allemagne et en Autriche, la vie d'ne famille (De réfugiés Polonais, afin sans doute de contrer l'éventuel sentiment anti-Germanique qui restait important aux Etats-Unis) qui tente de remonter la pente: trouver un logement, de la nourriture, un travail, se prendre en charge et reconstruire une vie décente...

Les rôles principaux sont tenus par Carol Dempster et Neil Hamilton: Inga est une jeune orpheline recueillie par une famille Polonaise, et elle aime Paul, l'un des deux grands fils, et celui-ci le lui rend bien. Leur idylle, qui les pousse à s'en sortir, est le fil rouge du film. Autour d'eux, bien sur, une galerie de personnages qui sont une vraie famille élargie, avec quelques nouveaux venus, dont Lupino Lane, récemment immigré aux Etats-Unis (Il était Britannique). Ici, il est un compagnon d'infortune de la famille, qui tente par tous les moyens d'égayer ses amis avec des acrobaties, des chansons et des danses. Le film serait débarrassé de toute menace humaine, si Griffith n'avait pas saupoudré sa continuité d'apparitions d'un homme sombre, grand et à l'allure inquiétante. Une façon de nous prévenir qu'il y aura des ennuis pour Carol Dempster et Neil Hamilton. Mais même là, il ne cède pas à la tentation habituelle, et nous montre en effet une bande de voyous qui tentent, eux aussi de survivre; comme dit l'un d'eux, oui, ils sont des monstres, mais ce n'est pas leur choix...

L'interprétation, partiellement Européenne (Les voyous cités plus haut sont des acteurs Allemands), est assez solide, avec une mention spéciale, ce n'est pas souvent, pour Carol Dempster: elle est excellente dans le rôle de ce petit bout de bonne femme qui veut sa place au soleil, mais pas à n'importe quel prix... Le moment le plus célèbre de ce film montre Inga qui fait la queue pour acheter de la viande, avec une somme absurde en poche: elle a en effet 12 000 000 Marks sur elle, suite à la fameuse inflation la plus délirante de tous les temps! Elle espère pouvoir finir la journée avec un peu de viande en poche, mais les prix montent tellement vite qu'une fois arrivée à la boucherie, elle constate que la viande est désormais trop chère. L'autre versant de cette scène sera, dans La rue sans joie de Pabst, la fameuse scène durant laquelle des jeunes femmes sont réduites à la prostitution pour pouvoir manger. Mais Griffith, s'il nous montre un monde pas dénué de profiteurs, reste concentré sur la peinture de la résilience humaine, celle de tout un peuple. Il utilise le titre comme un leitmotiv, afin de rappeler qu'il y a toujours une solution, dans un monde qui en apparence va au chaos, il s'attache à montrer une famille qui va s'en sortir avec décence... Et même 90 ans après, ça fait du bien.

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Published by François Massarelli - dans Muet David Wark Griffith 1924 *