Frank Lloyd, venu d'Angleterre à Hollywood, fait partie des réalisateurs qui ont sans doute le plus compté sur la qualité des oeuvres qu'ils adaptaient... Ici, c'est donc de Dickens qu'il s'agit, et le film, concentré en 8 bobines, commence bien dans la France agitée de la pré-révolution avec la colère du peuple qui gronde (Symbolisée en particulier par une scène que Griffith reproduira dans son Orphans of the storm, qui doit énormément à ce roman de Dickens: la voiture d'un noble roule sur un enfant, et l'aristocrate, surtout ennuyé que l'incident ait probablement abîmé son véhicule, n'a d'autre pensée pour les parents de la victime, que de les dédommager en leur jetant une pièce...); il finit, bien sur, sur l'échafaud avec le sacrifice sublime de Sydney Carton, en compagnie d'une petite couturière résinée à son tragique destin...
William Farnum, la star de la Fox, y interprète le double rôle du Marquis de St-Evremond, le noble enfui en Angleterre qui tente de rattraper les crimes de ses aînés, et de Sydney Carton, avocat alcoolique et déchu. Les deux hommes ne partagent pas que la même apparence, ils aiment aussi la même femme (Jewel Carmen), ce qui précipitera le final. Dickens a bien sur favorisé le roman-feuilleton mélodramatique à souhait, ce que le raccourci proposé par le film rend bien, et on souffre durant les premières 25 minutes, qui accumulent les péripéties et les personnages... Mais il y a là un souffle, un intérêt, qui doivent finalement autant à Dickens qu'à Lloyd, dont le travail est tout à fait correct. Pas révolutionnaire, non: les vraies trouvailles cinématographiques avaient lieu à cette époque chez DeMille ou Tourneur! Mais le film est bien interprété, et les événements bien rendus dans un Paris glorieusement glauque.
A noter: A tale of two cities est le plus ancien des nombreux films de Lloyd qu'on peut consulter à sa guise sur Youtube, dans une copie regardable, C'est notable, même si l'oeuvre de ce franc-tireur assez académique n'est pas forcément la plus fascinante du cinéma Américain.