Le film commence par une scène de tournage, un procédé qui ne donne pas tant lieu à des images trompeuses, qu'on aurait pu le croire. L'essentiel de l'action du film a lieu sur un studio, ou sur des plateaux de tournage. Comme tant d'oeuvres de la même époque, donc de 1927 ou 1928, le scénario suit de très près une forme très proche du mélodrame, simplifiée autour des quelques personnages (En l'occurrence un triangle amoureux assez classique), mais la mise en scène elle est d'une invention de tous les instants. Commençons par dissiper le doute: le film est crédité comme 'Un film d'Anthony Asquith' (C'est son premier effort), "mis en scène par E. V. Bramble". Mais la présence du vétéran est sans doute surtout faite pour rassurer la production, car le film porte, comme Underground et A cottage in Dartmoor, la patte de la mise en scène d'Asquith, encore un jeune loup qui s'est volontiers laissé séduire par le style de cinéma hérité des grands maîtres Allemands...
Mae Feather (Annette Benson) et Julian Gordon (Brian Aherne) sont deux acteurs et partenaires, mariés. Leur spécialité, c'est le thriller et l'aventure, avec une prédilection pour les scripts qui permettent à l'héroïne de faire face à un danger sérieux (Torture, viol, etc...), puis d'être secourue par son héros valeureux... Les deux stars sont bien différents l'une de l'autre: lui est finalement assez "premier degré", on le voit d'ailleurs à un moment assister à la projection d'un de ses films, il réagit aussi naïvement que les enfants du public! Elle, par contre, se comporte comme une star, comprendre par là qu'elle est tyrannique et capricieuse... Une autre différence soulignée par le film, c'est que lui ne se maquille pas, alors que Mae passe l'essentiel des tournages dissimulées sous les fards et une (atroce) perruque. Mais tout n'est pas rose: on assiste aussi à des tournages de comédie au studio, dont la star est Andy Wilks (Donald Calthrop), un acteur lui aussi grimé, un peu à la façon dont les acteurs se maquillaient chez Sennett: en plus de vêtements ridicules, ils portent d'improbables moustaches qui les rendent furieusement grotesques, et prêts à participer à des actions généralement délirantes, avec courses poursuites et coups de pied au derrière. Mais Andy Wilks a un secret, du moins le croit-il (Tout le studio a l'air au courant, sauf sans doute ce pauvre Julian): il est amoureux de Mae, et elle le lui rend bien. Un soir, ils sautent le pas, et après cet adultère, le drame va se nouer. En effet, Mae sait qu'un scandale ruinerait sa carrière. Il va donc falloir être discrets... Et bien sur, ça sera impossible.
C'est formidable, décidément cette période est une mine d'or: le film est d'une invention visuelle constante, et la caméra est partout. La vivacité de la mise en scène, l'invention visuelle, la façon dont les éclairages sont disposés, tout identifie ce film au brillant sursaut formel de 1927/1928! Et le fait qu'il se déroule sur des tournages a stimulé la mise en scène encore plus (Rien que pour cette période, il me vient au moins deux titres à l'esprit, dans le monde, pour des films situés dans le milieu du cinéma: Filmens Helte, de Lau Lauritzen au Danemark, et Show People de King Vidor à la MGM), en donnant à voir l'envers du décor sous un angle souvent dramatique ou caustique. Ca donne lieu à des scènes finement observées par les auteurs, et on a l'impression d'assister à une certaine vérité. Maintenant, on admettra que le film ne donne pas à proprement parler une image très positive de sa protagoniste principale, vue généralement en train de se remaquiller toutes les cinq minutes, et dont les motivations restent profondément égoïstes. Mais il faut voir la façon dont Asquith (Et Bramble) amène (nt) la scène dramatique la plus importante de la fin, dans laquelle un petit objet ressemblant à un bâton de rouge à lèvres joue un rôle primordial...
Pour un premier film, c'est un beau, un très beau début, maintenant restauré de façon glorieuse par le BFI.