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4 avril 2016 1 04 /04 /avril /2016 09:21

Le film se concentre sur le dernier quart de la vie de Joseph Mallord William Turner (1775 - 1851), le peintre probablement le plus important du XVIIIe et XIXe siècles Anglais, précurseur de l'impressionnisme, et dont l'oeuvre fut pour une large part formelle avant tout. C'était un paysagiste de génie, qui révolutionna la captation de la lumière. Mike Leigh filme ce bout de vie en naturaliste, tout en obtenant de son chef-opérateur une image qui rend justice à son sujet. Une prouesse, développée en des plans qui sont majoritairement longs, laissant une grande part de la responsabilité aux acteurs, au premier rang desquels Timothy Spall, bien sur, interprète de façon magistrale le peintre... Les autres acteurs ont été choisis, c'est évident, autant pour leur talent que pour leur trogne. Le naturalisme de Leigh passe autant par la longueur des plans, que par des accents, des intonations, des comportements, que des têtes, des particularités physiques captées sans retenue.

Mais Turner lui-même est une nature étonnante: petit, massif, grognant sans cesse, avec un accent à couper au couteau, c'est l'anti-glamour par excellence... Pourtant il se dégage de la performance de Spall un humanisme formidable, qui transparaît dans certaines conversations. On voit bien dans le film, que Turner installé, dont la gloire est finalement derrière lui, et qui va bientôt (Suite à une remarque désobligeante de la jeune Victoria) tomber en disgrâce totale, a plus d'intérêt à la fin de sa vie pour les conversations avec les petites gens, que pour les thés et autres salons mondains où son statut enviable mais fragile de plus grand peintre vivant 'officiel' l'amène parfois. Ainsi, le bonhomme va s'enticher de la petite ville de Margate où il se rend d'abord pour capter des images marines de tout beauté, avant d'y retourner sans cesse pour filer le parfait amour avec une logeuse qui l'a profondément touché.

Mais Turner, et le film nous permet aussi de capter cette image de lui sans jamais nous l'asséner, c'est aussi et enfin un homme qui a senti à travers les images qu'il a vues dans sa vie, et transmises dans son oeuvre, la marche du temps et l'arrivée du progrès. D'où sans doute la fascination pour les naufrages, qui sont autant de désastres autant humains que technologiques, mais aussi une curiosité pour le chemin de fer (Et ses effets picturaux: ainsi Tuner capte-t-il la marche d'une locomotive en se concentrant sur la fumée et la lumière, le train disparaissant de l'oeuvre...). Avec humour, et, mais oui, tendresse, on voit comment le bonhomme n'a pu qu'essayer de se faire photographier, à la vois vexé et fasciné par cette technologie qui permet de capter d'une façon si véridique les images... Il n'avait pourtant aucun souci à se faire: c'était un génie, il était unique, et le film lui rend justice.

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Published by François Massarelli - dans Mike Leigh