Hal Roach réalisait l'importance de Laurel et Hardy, et il savait que tôt ou tard il leur faudrait affronter le micro. N'oublions pas que le duo était contemporain des premiers succès du cinéma sonore, et si il avait un temps été possible d'imaginer que les deux cinémas (On les appelait, après tout, de deux noms distincts: les movies et les talkies!) pouvaient co-exister, en 1929, l'hégémonie du parlant était à l'horizon... Le film fait partie d'une bordée d'autres courts métrages qui ont tous un clin d'oeil au son ou à la parole dans le titre. J'ai déjà mentionné ailleurs la référence contenue dans le titre de celui-ci, l'expression "unaccustomed as we are to public speaking" étant une expression convenue généralement utilisée pour commencer des speechs d'une demi-heure...
Laurel et Hardy affrontent donc le parlant avec prudence, mais la peur qu’ils avaient (Surtout Stan) ne se voit pas. Mieux: ils parlent peu, et laissent une large part aux gags visuels, voire aux gags strictement sonores qui vont leur permettre de continuer à élargir leur palette. Ce film regorge de moments qui prouvent qu'on peut aller plus loin en utilisant de façon variée le son et la parole, sans se contenter de filmer platement ce qui après tout est une situation de vaudeville assez classique...
Laurel et Hardy sont aux prises avec Mrs Hardy (Mae Busch) excédée. Celle-ci part le jour ou son mari lui présente Laurel parce qu'elle en a assez que son époux ramène des copains à la maison, en lui demandant de leur faire à manger... Comme les garçons se lancent dans une tentative de faire la cuisine tous seuls, les catastrophes s'ensuivent. La jolie voisine, Mrs Kennedy (Thelma Todd, dans sa première apparition chez Laurel & Hardy) intervient donc, et... brûle sa robe en voulant allumer le four décidément bien capricieux. Et bien sur, son mari verrait probablement d'un mauvais oeil son épouse sortir de chez les Hardy en petite tenue... Donc, lorsque Mme Hardy se ravise, elle ne sait pas que dans une malle, la jolie voisine est cachée en nuisette dans une malle... Rappelons que "Kennedy", c'est bien sûr Edgar, qui interprète le voisin. Celui-ci est policier...
Le film est drôle et marche tout seul. plusieurs gags sonores à signaler: Mae Busch sermonne son mari, alors que Stan a mis un disque ; au fur et à mesure de sa logorrhée et, rattrapée par la musique endiablée, et commence à scander son invective en rythme. Peu de temps avant, elle hurle sur Oliver, qui tente vertement de répliquer, et Stan qui ne dit rien, se prend des "Shut up!" bien sonores. La cacophonie est extrêmement drôle... Enfin, plusieurs fois, l'équipe s'amuse à mettre des chutes, bagarres ou autres chocs frontaux hors champ, qui ne seront perçus par les spectateurs que via le son, et bien sur grâce aux réactions des protagonistes restés à l'écran... Donc, pour un premier film parlant, c'est du grand art....
Un paradoxe pour finir: le film est sorti simultanément, comme la plupart des films sonores de 1929, dans une copie muette, qui en recycle essentiellement la plupart des séquences, y compris les scènes parlantes et les gags sonores hors-champ, qui tombent évidemment complètement à plat...