William Wellman avait la réputation d'être un dur, un vrai. Ses films tendent à le montrer... Mais ce n'est rien, sans doute, à côté de Brown... Hell's highway, le seul de ses films que j'aie pu voir, ferait sans doute passer I am a fugitive from a chain gang, de Mervyn Le Roy, et Wild boys of the road, de Wellman, pour des productions Disney! Il y est question d'un système pénitentiaire qui fonctionne main dans la main avec un constructeur corrompu, engagé dans la confection d'une autoroute pour laquelle on a besoin de main d'oeuvre bon marché...
On suit essentiellement les aventures de "Duke" Ellis (Richard Dix), un repris de justice qui est de toute façon résigné, il sait qu'il vivra l'essentiel du reste de son existence dans le système carcéral, en l'occurrence un bagne à ciel ouvert, selon la mode Sudiste. Mais après la mort d'un gamin, qui a été mis dans une cabane en tôle pour y être puni, il est de plus en plus révolté contre la hiérarchie du système. Et l'arrivée de son tout jeune frère John (Tom Brown) ne va pas améliorer les choses. Duke, qui pourrait s'évader, va s'attarder afin de veiller sur lui...
Un panneau qui fait tout le jour le compte des survivants (Et qui annonce au passage "90 hommes, et 21 nègres", on voit l'ambiance...), un gardien-chef sadique qui envoie les faibles mourir d'épuisement dans une cabane qu'il appelle "l'hôpital", un gardien qui profite de la confusion ambiante pour assassiner sa femme adultère, des détenus chauffés à blanc qui se rebellent à la moindre vexation, et des gardes habitués à tirer dans le tas... On le voit, Brown ne fait pas dans la dentelle, et son bagne sale, miteux, et inhumain est, y compris dans un film pré-code lorsque la censure s'était sérieusement relâchée, pas vraiment du genre de ce qu'on voit habituellement dans le cinéma Américain classique.
D'ailleurs Brown s'y entend pour suggérer, voire codifier son film: un fonctionnaire du bagne prend sous son aile des détenus plus fragiles, et se prend de sympathie pour eux... Si on suggère un peu son homosexualité, il garde une présence positive et humaine jusqu'au bout du film. Et dans une scène qui frappe par son réalisme, le réalisateur s'amuse: un plan nous montre des chasseurs qui sont recrutés pour partir à la poursuite des bagnards évadés. On les voit sortir d'un "Duck club", le fusil en bandoulière. En bas de l'écran, un cours d'eau nous montre des canards, justement, qui passent dans l'indifférence générale des chasseurs: ceux-ci ont trouvé un gibier plus intéressant.
Le réalisme passe ici d'ailleurs par un refus de la politesse habituelle: comme dans Freaks, le metteur en scène a privilégié une atmosphère authentique, qui fait qu'on ne comprendra pas tout ce qui se dit... Les hommes parlent franc, ils parlent aussi dur! Du reste, il vaut peut-être mieux que certains mots nous restent inaudibles! Ce film coup de poing fonctionne d'anecdotes en anecdotes, de violence en injustice, et on serait presque étonné de lire au tout début le crédit du producteur: c'est un film de Radio Pictures, la future RKO, produit par David O. Selznick...