Laughing gravy est un chien, et c’est le moins cabot des cinq acteurs de ce film. Avant de rentrer brièvement dans le vif du sujet, ce film détient un record absolu avec cinq versions différentes toutes disponibles dans la collection Universal Anglaise. Les mérites (Ou les apports, plutôt) de chaque version seront discutés cas par cas.
Pour commencer, bien sur, il y a le Laughing gravy authentique, tel que sorti en avril 1931 : Laurel et Hardy sont les propriétaires non fortunés d’un petit chien, qu’ils cachent à leur propriétaire, interprété par Charlie Hall. Celui-ci entend du bruit, puis des aboiements, et les deux compères doivent donc alternativement cacher leur chien, puis le récupérer quand leur propriétaire réussit à le mettre dehors puisque toutes leurs tentatives pour être discrets en cachant le chien échouent lamentablement; et dehors, il neige. Sur un canevas simple, c'est un film très distrayant, drôle, avec lequel on ne s’ennuie pas. Lorsque le film a été fini, il faisait une bobine de plus, qui ne satisfaisait pas tout le monde (C’est à dire que Laurel n’en était pas content!), et la bobine a été tout simplement enlevée, et remplacée par une fin simple, sublime, sordide et hilarante, qui conclut le film sur une note macabre, en une minute.
Au début des années 80 fut retrouvée la bobine inédite, et voici la deuxième version: au bout de 20 minutes, sommés de partir, Laurel et Hardy reçoivent une lettre, adressée en fait à Laurel seul: il recevra un héritage phénoménal s’il cesse toute relation avec Hardy, et donc avec Laughing Gravy le chien. Ces dix minutes grinçantes éclairent d’un jour particulier, presque intime, la relation entre les deux hommes, mais elle s’intègre assez mal selon moi à l’ensemble. La version de deux bobines est meilleure... La version colorisée (Une sale manie,plus ou moins abandonnée; mais qui perdure étrangement pour les films de Laurel et Hardy) contient en fait cette extension, à laquelle vient se plaquer la fin de la version courte, pour ajouter à la confusion.
Las calaveras est la version Espagnole de Be big et de Laughing gravy: Be big est toujours constitué d’un seul gag étiré sur 30 minutes, donc je suis assez mitigé, et en prime, le lien avec l’autre film est tellement ténu, qu’on n’y croit pas une seule seconde. Sinon, la deuxième partie est basée sur la version longue de Laughing gravy, sans la deuxième fin (Celle qui est sortie en 1931.), et donc, je ne suis pas non plus très enthousiaste...
Durant à nouveau 6 bobines, enfin, Les Carottiers est la version Française de ces deux mêmes films. Seuls Laurel etHardy parlent le Français franchement, les autres, dont Charlie Hall et Anita Garvin, sont souvent doublés bien qu’ils miment les mots. Mais c’est tellement mal fait, et les acteurs se débrouillent tellement souvent pour être dos à la caméra, que c’en est navrant. On espère que les autres versions françaises antérieures ont été mieux traitées. Remarquez, elles sont toutes perdues… Notons qu'à partir d'ici, c'en est fini des versions alternatives, Laurel et Hardy allaient à l’avenir être doublés. Bien que cela soit difficile et coûteux, ces versions rapportaient; elle rapportaient tant et si bien que la MGM, qui distribuait Roach rappelons-le, a demandé qu’on y mette un point final, en ayant assez de devoir recevoir des lettres de cinéphiles leur demandant de faire parler Garbo et Gable dans leur langue : « Laurel et Hardy le font bien, eux… ».
La leçon a retirer de ces multiples versions disponibles, c’est quans même que l’équilibre de Laurel et Hardy, établi pendant les années muettes sur le format de deux bobines, est bel et bien fragile. De toutes ces versions, la meilleure est bel et bien celle de deux bobines. Conscients de cela, ils vont ensuite se concentrer sur ce format pour les trois films suivants... Avant Beau Hunks.