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25 juin 2016 6 25 /06 /juin /2016 18:10

Je n'irai pas par quatre chemins: ce film est une merveille, le deuxième d'une imprssionnante série de films de Ford réalisés entre 1939 (Stagecoach) et 1946 (My darling Clementine); dans ces oeuvres, Ford au somment de son art avant que sa carrière ne devienne erratique, disons, avec le très embarrassant The fugitive de 1947, affirme ses valeurs, laisse éclater son lyrisme, et assume avec brillance son extraordinaire sens de la mise en scène. Et Young Mr Lincoln, pourtant pas le film le plus connu ni le plus accessible de Ford (Il n'y a pas John Wayne, et ce n'est pas un western!!) brille d'un éclat singulier, prenant le prétexte d'une promenade biographique dans les premières années du futur Président Abraham LIncoln, interprété par un nouveau venu dans l'univers de "Pappy" Ford, Henry Fonda. Un jeunot qui va vite devenir un intime, entendez par là qu'il sera fréquemment invité sur le yacht Araner, et qu'il participera à quelques bitures mémorables... Et bien sur il sera amené à travailler souvent avec le metteur en scène, plus précisément 6 autres fois, sans compter une participation entant que voix off à un documentaire en temps de guerre.

Je me suis arrêté sur Fonda, car ici plus que jamais, l'acteur est crucial. Ford a tout fait pour qu'on puisse prendre Fonda comme un plausible jeune Lincoln, tant dans les suggestions au jeune acteur, que dans l'éclairage, et c'est par moment frappant. L'idée n'est pas, à mon sens, de vouloir faire croire que c'est bien Lincoln, quel sens cela aurait-il du reste, non: il s'agissait de le rendre indiscutable, et qu'on puisse ensuite voir le film sans même s'en préoccuper... A ce niveau, c'est parfaitement réussi...

Le parcours est donc le suivant: le très jeune Lincoln est chez lui dans un patelin de l'Illinois, où il hésite entre la politique locale, avec le parti Whig (Ancêtre du parti Républicain), le commerce de proximité et le droit. Poussé par sa petite amie, Ann Rutledge (Pauline Moore), il poursuit dans cette voie, finalement, aidé par une manne providentielle: des gens de passage qui lui ont acheté des denrées ont payé avec des vieux livres de droit... Il développe assez rapidement une philosophie sommaire du droit: le bien, le mal... Ann Rutledge ne survivra pas longtemps, elle est emportée par la fièvre typhoïde en 1835. Lincoln, coiffé de son fameux chapeau "tuyau de poêle", arrive donc à Springfield où il s'installe en partageant un cabinet d'avocat avec un ami. La providence va lui fournir une occasion de se faire remarquer, au-delà des participations de bon voisinage aux fêtes du 4 juillet (Concours de tartes, dont il est un juge courtois et impartial): lors de la fête nationale, deux jeunes hommes sont accusés par la ville d'un meurtre, et on veut les lyncher. Lincoln intervient, d'une part pour empêcher la justice expéditive, d'autre part pour devenir l'avocat des deux frères...

On retrouve tous les thèmes de Ford, son humanisme catholique, son ouverture d'esprit, son anti-conformisme aussi, qui pousse Lincoln à tisser plus facilement avec les vieux trappeurs soiffards (Francis Ford, bien sur) qu'avec les gens de la bonne société. Tout le film, qui montre le jeune avocat traiter ses affaires judiciaires avec une philosophie de bon voisinage qui n'est finalement rien d'autre qu'un populisme léger, montre d'ailleurs Lincoln affirmant les valeur Américaines en prenant appui sur les petits, les obscurs, es sans-grade, ce qu'il est du reste, contre les bourgeois, les riches, les notables, et les partisans d'un ordre établi venu d'en haut. Bref, le film prolonge le message de Stagecoach, avec brio, sans jamais en rajouter, et comme dans Stagecoach, l'humour est là et bien là...

Et pourtant c'est poignant, depuis le début, avec ce discours en demi-teintes d'un type trop grand qui ne sait pas quoi faire de ses mains quand elles ne sont pas cachées dans ses poches, avec cette scène séminale (A laquelle Ford reviendra encore et encore dans de nombreux films, en en citant notamment la musique, comme dans The man who shot Liberty Valance, par exemple) de visite sur la tombe d'Ann Rutledge... C'est comme si Ford ne se cachait jamais le destin réel de Lincoln, et comme si ce destin était déjà en marche, derrière ces concours de tartes durant lesquels "Abe" tente de dé, partager les concurrentes sans les vexer, derrière cette ode d'un homme qui aperdu sa mère et sa soeur à la famille aimée, derrière cet homme qui tente de révolutionner les gens par le coeur, et qui fait triompher la vérité. Oui, c'est naïf et patriotique, de finir un film comme celui-ci en faisant hurler par des choeurs "His truth is marching on", comme le premier Capra venu. C'est aussi sincère, et généreux, comme Capra du reste, et de toute façon on ne fera jamais, jamais, jamais de Young Mr Trump, ou de Young Mr Bush. Alors voyez moi cette merveille!!

 

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Published by François Massarelli - dans John Ford Criterion