Depuis le début, les problèmes d'adaptation ont été le principal écueil de la série des films Harry Potter: habituellement, qu'un livre soit un classique ou non, on accepte bien facilement qu'un film soit soit un raccourci du livre adapté, soit une variation, qui prend une vie propre et qui sera jugée en tant que film et non en tant qu'adaptation; avec cette franchise, et compte tenu du degré d'implication de J. K. Rowling, les choix des scénaristes ont toujours été dictés par l'importance d'événements en apparence anodins, mais qui devaient être conservés en vue d'un épisode futur, mais aussi par le fait de rendre toujours lisible la navigation du lecteur-spectateur dans les deux heures et demies ultra-condensées du film. Ajoutons le bouquet final: en plus, tout le monde ou presque a lu les livres, et tout ces gens attendent des films qu'ils respectent tout ce qu'il y a dans les livres. Voilà pourquoi il y a un gout de trop peu dans les cinq premiers, y compris dans le très apprécié troisième opus dirigé il est vrai par un réalisateur en vue, le Mexicain Alfonso Cuaron.
Et pourtant, dans son traitement du 6e livre, Yates a réussi à obtenir des scénaristes un condensé particulièrement efficace, qui rend toujours justice à la kaléidoscopique structure de l'ouvrage, à la fois continuation de l'intrigue même, mais aussi portrait très réussi des affres de l'adolescence, bien plus réussi en tout cas que The order of the Phoenix. Mais surtout, le film fait enfin la part belle à l'autre coté, ce "point de vue de l'opposition" comme disait Michael Powell, qui consiste à ne pas nécessairement caricaturer les ennemis, les montrer comme ce qu'ils sont, c'est-à-dire des êtres humains. Ici, comme dans le livre, c'est Draco Malfoy qui a la lourde tâche de se rendre compte que la voie qu'il a choisie, celle du mal, est difficile, dangereuse, et qu'il est décidément trop jeune pour assumer le rôle sacrificiel qu'on lui a confié... Bref, il en a marre d'être le centre désigné du monde. Ca nous rappelle un autre ado, avec des lunettes. Autre personnage fascinant qui prend toute sa dimension, le grand Severus Snape. Sans oublier le Prince, bien sur...
Dans une mise en scène qui est axée autour du motif de la main, main qui agit, qui soutient, qui aime et qui meurt, un grand film, plastiquement superbe (Sous influence Japonaise par endroits), qui est l'efficace transcription du plus beau, et plus sombre aussi, roman de la série.