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Le cinéma épique et sa dimension romanesque, certains cinéastes s'en sont prudemment tenus à l'écart... D'autres ont jovialement plongé dedans et n'en sont jamais revenus. Bertolucci ne s'est pas beaucoup retenu, et a posteriori, l'impression qu'a laissé le passage de ce film, c'est justement cette dimension, ce côté "mon film doit faire cinq heures et quinze minutes, je vous interdis de le couper", répété sur les médias à l'envi par un metteur en scène très remonté contre son producteur et son distributeur Américain, ce qui n'a pas empêché ces derniers d'y aller à coups de serpe: de 315 minutes, la version Américaine est en effet passée à 195... Comme avec l'admirable Heaven's gate, de feu Michael Cimino, on ne parle d'ailleurs pas souvent d'autre chose à son sujet! Venons-en donc au film lui-même...
Le titre international de ce film (1900) est quand même un peu mensonger, ce qu'on ne lui reprochera pas trop: l'intrigue couvre en effet l'histoire de l'Italie entre 1901 (La mort de Verdi, et la naissance quasi simultanée des deux principaux protagonistes, Olmo Dalco et Alfredo Berlinghieri) et la libération du pays après la chute des fascistes et la fin de la seconde guerre mondiale. Le tout est vu des points de vue entremêlés de deux hommes, donc: Alfredo (Robert De Niro) est le fils et le petit fils des padrones d'une grands propriété terrienne, qui a du mal à faire sienne la philosophie de ses prédécesseurs, tout en ayant vis-à-vis des paysans qui font le choix du communisme une certaine méfiance, due à ses préjugés de classe. Olmo (Gérard Depardieu) est un enfant bâtard né chez les domestiques, et va grandir en se revendiquant socialiste. Les deux hommes sont amis, mais les circonstances vont en faire des ennemis, tandis que le fascisme, couvé par la bourgeoisie qui protège ses intérêts, monte inexorablement.
La naissance, symboliquement rapprochée, des deux hommes tout de suite après la mort de Verdi n'est pas un vain clin d'oeil, Bertolucci adoptant souvent un ton opératique, au point d'ailleurs de faire durer des scènes bien au-delà du raisonnable! Et pourtant personne ne chante... C'est un des défauts rédhibitoires d'un film conçu à la fois dans l'enthousiasme et dans l'excès. Un autre défaut est inhérent au cinéma Italien, qui ne se soucie absolument pas de confort dans sa post-synchronisation, et fait venir des acteurs Anglophones, Francophones, Germanophones, en plus des Italiens, et mélange allègrement les langues dans le tournage, en espérant unifier tout ça à la fin. On le sait, c'est certes un point de vue personnel, mais je persiste et signe: c'est l'une des choses qui me rendent 100% du cinéma de Fellini, par exemple, absolument insupportable (Sans parler du mauvais gout répugnant). Ici, on s'en tire à peu près, avec des acteurs Anglo-saxons, qui ont probablement insisté et obtenu qu'on parle majoritairement Anglais dans les scènes qui les impliquent. Mais Bertolucci, soucieux de véracité, a aussi beaucoup fait appel aux bonnes volontés locales dans la province de Romagne où le film a été tourné. Par moments on en est donc réduit à compter les édentés comme dans un film de Pasolini (Que voulez-vous faire d'autre devant un film de Pasolini, à part peut-être compter les pénis?). Et le film se vautre dans un naturalisme certes louable, mais grandiloquent, et donc souvent inconfortable. On y tue, pour les besoins du film, un certain nombre de bestioles qui n'en ont sans doute pas tant demandé...
Et le message politique dans tout cela? C'est bien le problème, il est simpliste, racheté toutefois à la fin par une pirouette que je vous laisse découvrir... On a donc un monde régi de façon tranchée entre riches et pauvres, propriétaires et domestiques, fascistes et communistes. Ceux qui ne choisissent pas, comme Alfredo et son épouse Ada, qui tentent de vivre en hédonistes, sont assez clairement montrés du doigt comme co-responsables de la montée des fascismes. Bertolucci n'oublie pas que le pays, à la libération, a choisi une voie médiane, qui en bon marxiste ne le satisfait pas, mais au moins se saisit de l'occasion pour donner à ses personnages une fin qui fait d'eux des pantins comiques...
Inégal, long pour ne pas dire longuet, le film ne s'imposait pas, mais il est là, prenant toute la place au festival de Cannes 1976. Un cartoon dans la presse Italienne de l'époque montrait un cinéphile qui vantait les aspects spectaculaires de la production, le temps investi, les acteurs majeurs (De fait, De Niro, Dominique Sanda, Donald Sutherland, Alida Valli, et un gros copain de Vladimir Poutine dont le nom m'échappe), e tutti quanti... Une fois qu'il avait fini, quelqu'un lui demandait: "Et le film est-il bon?", il répondait: "pas mal...". Rien à ajouter!