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24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 16:51

Adapté d'un roman de Roland Dorgelès, ce film de Raymond Bernard est le premier film parlant Français qui donne une vision probablement juste de la 1e guerre mondiale, vue à hauteur d'homme, et plus particulièrement de soldat. Ce n'est pas un hasard: quand il publie son roman en 1919, Dorgelès est un vétéran de a guerre mondiale... Le film est d'autant plus important que le conflit a, depuis l'exception J'accuse (Qui se vautre souvent dans les excès, mais ne se contente au moins pas de ça), uniquement généré en France des films réactionnaires ou patriotiques. ...Ce qui revient d'ailleurs souvent au même. Ici, on passera de l'idéalisme à l'eau de rose, volontiers mais tendrement moqué, des jeunes volontaires qui "voudraient tant combattre" de 1914, à la vie à la dure des poilus des tranchées.

1914: le jeune étudiant en droit Gilbert Demarchy (PIerre Blanchar), d'après ses nouveaux camarades, arriverait "après la bataille": en effet, les Allemands ayant été repoussés lors de l'offensive de la Marne, nombreux sont les soldats qui pensent que la victoire est pliée, et la guerre finie. Mais ils se trompent rudement, et ils vont apprendre à vivre avec la menace, se réjouir de se réveiller après une nuit incertaine, et voir partir les copains les uns à la suite des autres...

Aux côtés de Blanchar, on reconnaît entre autres Gabriel Gabrio (le soldat Sulphart, ouvrier dans le cvil et grande gueule en toutes circonstances), Charles Vanel (Le Caporal Bréval, un épicier dans le civil qui attend impatiemment une lettre de son épouse qui ne viendra jamais), ou encore Raymond Aimos, Antonin Artaud et Raymond Cordy. La plupart d'entre eux, Vanel et Blanchar en tête, ont participé à la première guerre mondiale et composent des poilus au caractère affirmé, dont les dialogues de Bernard et André Lang sont loin d'être édulcorés. C'est le quotidien du soldat qui s'affiche à l'écran, dans une mise en scène qui se refuse à embellir quoi que ce soit: les scènes tournées en studio sont souvent l'occasion pour le cinéaste de ses situer dans un cadre à la visibilité restreinte, que ce soit à cause du terrain, de la fumée, ou de la nuit. La bande-son, impressionnante pour 1932, recrée le chaos sonore des trachées, et la vie sur le fil du rasoir de ces hommes qui n'ont plus que leur camaraderie pour se raccrocher à la vie. Bernard qui a été l'un des plus importants cinéastes de la fin du muet, sait aussi quand cesser de s'intéresser au dialogue, et il utilise magistralement l'image et le montage, ce qui n'échappera pas à Darryl Zanuck... ce dernier fera acheter le film par la Fox, pas pour le montrer aux Etats-Unis, mais pour s'en servir comme source stock-shots, dont le principal bénéficiaire sera certainement The road to glory, de Hawks (1936). Y sera reprise, de plus, la scène de la mine, lorsque les soldats sont priés de rester en place pendant que les Allemands percent un tunnel sous leurs pieds afin de déposer une mine...

Mais quoi qu'il en soit, ce film majeur rejoint les autres grandes oeuvres tournées sur le conflit depuis 1925, et me semble à mettre dans le même panier que le célèbre All quiet on the Western Front de Lewis MIlestone. On y retrouve le même parcours, la même réalisation par les soldats de leur condition, les mêmes désillusions, et le même souci de ne jamais diaboliser l'ennemi. Après l'infecte propagande d'ultra-droite du Film du poilu, ça fait du bien...

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Published by François Massarelli - dans Raymond Bernard Première guerre mondiale