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16 juin 2024 7 16 /06 /juin /2024 21:16

Dans une foire, un stand de boxe affiche le boniment habituel: venez boxer contre notre champion, et si vous tenez un round complet, vous empochez une livre. Le boxeur (Carl Brisson) s'appelle "One round" Jack, ce n'est pas un hasard, il étale ses compétiteurs en moins d'un round, justement. C'est ce que prouve un carton, qui n'est jamais utilisé sur le ring monté dans la tente de l'attraction: le panneau annonçant le deuxième round, en effet, n'a jamais servi... Jusqu'à ce que Jack, qui a surpris un homme flirter avec sa petite amie Nellie (Lillian Hall-Davis) qui tient la caisse, ne l'ait un peu poussé à venir se mesurer sur le ring, justement. L'homme, c'est Bob Corby (Ian Hunter), un fameux boxeur, et non seulement il va tenir le temps requis, mais en plus il gagne... Corby est malgré tout détenteur d'une bonne nouvelle, il et venu avec son manager vérifier la réputation de Jack, et a pu constater que celle-ci est justifiée. Ils vont lui permettre de passer à un statut enviable de star de la boxe. Jack, qui est un grand naïf, pense que son heure est arrivée, et propose le mariage à Nellie; celle-ci, bien qu'elle accepte, va surtout désormais prêter une attention toute particulière à Corby...

On n'attend pas Hitchcock dans un film de boxe, et celui-ci fait semblant d'oublier le potentiel de suspense inhérent à cette discipline par ailleurs néandertalienne... Jusqu'à un combat, celui de la fin, lorsque enfin Jack va disputer à Bob, non pas une place de champion, mais bien le coeur de son épouse! C'est donc un mélodrame classique, dans lequel le spectateur, aidé par le point de vue silencieux, mais très parlant des copains de Jack (Dont Gordon Harker en vieux boxeur rugueux), qui ont repéré bien avant le héros le manège de Bob et Nellie, voit venir l'inévitable confrontation entre les deux hommes... Héros est un bien grand mot, il faudrait peut-être plutôt dire "victime", tant ce pauvre Jack ressemble à un pantin! C'es l'un des petits défauts de ce film, et c'est de là que vient cette impression d'un certain manque d'envergure.

Parce que par ailleurs, la mise en scène est fantastique: Hitchcock s'amuse avec la forme, et en particulier, bien sûr le cercle: certes, un ring est rectangulaire, ce qui ne l'empêche pas de porter le même nom, en Anglais, qu'une bague. La bague de fiançailles, promesse de mariage, est assimilée à un bracelet en forme de serpent, tout un symbole, offerte par Bob à Nellie. Un autre cercle donc, dans lequel vont être enfermés les trois acteurs de ce triangle amoureux classique, avant que l'autre "ring" sur le quel il va monter ne permette à Jack de mettre la tête de Bob au carré. Tout cela fait beaucoup de géométrie...

Et dès les premières minutes, qui fendent la foule pour nous faire sentir toute l'ambiance d'une foire Britannique, on retrouve le Hitchcock Anglais, qui aimait tant à montrer les classes laborieuses de son pays dans leur élément. Contrairement à d'autres films, situés de part et d'autre de celui-ci, ce n'est pas tant Murnau qui inspire Hitch, que E. A. Dupont dont le Variété, situé dans les milieux forains, avait été un gros succès. Il s'apprêtait d'ailleurs à tourner en Grande-Bretagne...

Mais au-delà de cette influence, le film est fait avec intelligence par Hitchcock qui ne laisse jamais sa mise en scène se mettre en travers du cheminement du spectateur. Même si la mise en scène est savante, faite de truquages virtuoses (Surimpressions notamment), de miroirs savamment disposés, etc, on reste devant un spectacle de mélodrame populaire dans lequel Hitchcock se plaît à représenter le petit peuple Londonien, comme il savait si bien le faire, avec tendresse... Alors cette grande andouille de Jack, joué par le très transparent Carl Brisson, ne fait pas le poids devant ces boxeurs rigolos, mais pas non plus devant l'élégance de Ian Hunter, ou bien sûr la grâce de Lillian Hall-Davis.

Grâce tragique, l'actrice ne fera pas long feu à l'apparition du parlant, et préférera commettre un suicide, avant de disparaître pour de bon de la mémoire collective. Brisson ratera son départ pour Hollywood, mais Ian Hunter y fera une belle carrière. Quant à Hitchcock...

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Muet 1927 **