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  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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1 juillet 2024 1 01 /07 /juillet /2024 15:47

A Londres, en 1929, juste un jour comme les autres pour la police: appréhension d'un coupable, manquement de délit de fuite, arrestation, interrogation... Un jeune détective (John Longden) retrouve sa petite amie (Anny Ondra), et ils sortent... Mais aussi se disputent. Il faut dire que la jeune femme a une idée derrière la tête: elle passerait bien un peu de bon temps avec un autre homme. Celui-ci la ramène chez lui, mais ils ne sont pas d'accord sur la marche à suivre, et elle le tue alors qu'il tente de la violer. Elle part chez elle, hagarde, et se réveille pour apprendre qu'il y a eu un meurtre dans le quartier; et non seulement elle a laissé suffisamment de traces de son passage pour que son fiancé comprenne qu'elle a fait le coup, mais en plus il y a eu un témoin (Donald Calthrop), et celui-ci a décidé de la faire chanter...

Film muet, film parlant? A en croire Hitchcock, il avait commencé ce film en muet, et a paré à toute éventualité en préparant chaque scène pour une hypothétique synchronisation... Pas sûr que ce soit la vérité, car j'imagine que la production d'un film parlant devait quand même, au moment de redéfinir complètement les contours du métier, mais aussi les studios, le matériel, etc, prendre un peu de temps, un peu de planification, et disons un peu de réflexion aux dirigeants d'un studio! et du reste, la compagnie British International Pictures a tout bonnement sorti les deux versions du film simultanément: la version parlante pour Londres, mais aussi pour se pavaner dans les festivals et aux Etats-Unis, où la transition du muet vers le parlant était déjà bien avancée; et la version muette pour le reste du monde.

Je pense que c'est justement cette version silencieuse qui a été vue le plus en cette année-là, mais jusqu'à une date récente, c'est malgré tout la version parlante qui faisait foi. Les différences sont infimes, et une bonne part du film parlant est effectivement une "redite" du film muet. Le début du film, pendant une dizaine de minutes, est d'ailleurs de fait totalement muet, avec accompagnement musical sur bande-son. Les différences se font sensibles sur deux scènes: celle du meurtre, qui se voit ajouter un accessoire intéressant avec un piano, et celle, célèbre, dans laquelle le mot "knife" est prononcé tellement de fois devant la coupable, qu'elle en perd le reste du dialogue...

La version parlante est riche en superbes idées, mais possède un défaut rédhibitoire: le son. Pas au point, bien sur, on est en 1929... Mais le film reste vraiment très intéressant, ne serait-ce que par le naturel (Relatif) des débits et des accents. Il y a quand même un souci de rythme, et une ou deux scènes qui traînent inutilement en longueur. Mais on peut noter que si la version muette est clairement supérieure, elle n'est qu'à peine plus courte! Et l'essentiel du film est là dans les deux, avec cette histoire de jeune femme qui, cette fois-ci, est bien coupable de meurtre! Que celui-ci soit justifié ou non importe peu finalement, car d'une part le film développe quand même une situation propre à alimenter la misogynie (un défaut qu'Hitchcock n'est pas près d'abandonner!), et d'autre part on peut quand même se demander quelle était la motivation de cette jeune femme, pour abandonner son fiancé, et venir chez ce peintre! Mais, et ça, le metteur en scène le sait déjà, le public se fait avoir dans les grandes largeurs: oui, elle a tué, et que ce soit légitime ou non importe peu: nous sommes désormais de son côté, instinctivement... Comme son fiancé qui va tout faire pour qu'elle se disculpe. Ce qui nous arrange, c'est qu'il y a bien pire qu'elle, et on peut applaudir la prestation de Donald Calthrop en maître-chanteur, il est fantastique!

En fait, en se frottant pour son dixième film à une nouvelle histoire policière à suspense (Et ce n'est que la deuxième fois après The Lodger), Hitchcock retrouve une situation qui le motive, qui lui permet d'organiser ses idées visuelles, les rendre très efficaces, et faire ses gammes: il joue avec le son pour passer d'une séquence à l'autre (La découverte du corps, un procédé qui reviendra dans The 39 steps), il imagine des visions délirantes (La jeune femme pour laquelle les enseignes lumineuses "rejouent" la scène du crime), et il utilise avec une maestria impressionnante le procédé Shüfftan pour faire croire au spectateur que'une scène de poursuite a été tournée au British Museum! Bref, il s'amuse, beaucoup plus que dans The Manxman, ou Champagne et on sait combien c'est important pour ce réalisateur! Et tout en nous attirant dans ses filets pour nous obliger à endosser une part de responsabilité dans un crime en en développant le suspense, il nous montre le renoncement d'un homme, un policier qui est désormais motivé pour que la vraie coupable d'un meurtre ne se fasse pas prendre! 

Avec ce film, certes, le cinéma Britannique fait brillamment le passage vers le parlant, mais Hitchcock, lui, trouve enfin sa vocation.

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Noir Muet 1929 **