Le réalisateur Coréen Yeon Sang-Ho est d'abord et avant tout un metteur en scène d'animation, ce qui nous autorise à aller fouiller dans ce film du côté de la composition et des effets de mouvements. Et dès le début, on sent la patte d'un homme qui sait exactement où regarder, et donc où placer ses caméras... Il aime aussi beaucoup jouer sur la profondeur de champ. Tout ça tombe bien: on est dans un train!! Mais c'est aussi, et le terme est bien sur à prendre avec des pincettes, un film de zombies; pourquoi les pincettes? Parce qu'il obéit à un certain nombre de lois du genre, tout en opérant des modifications sensibles: d'un côté, le film nous permet de suivre un certain nombre de personnages sur-typés, qui ont tous un parcours à accomplir et des tonnes de regrets dans leur passé et/ou d'espoirs pour leur avenir, le genre de chose qui vous fait goûter le moment de la mort imminente avec une certaine amertume! bien sur, nous sommes dans un film catastrophe qui sait parfaitement ménager ses effets, et se transforme souvent en film choral, sans parler de la nécessité d'aller d'un point A à un point B, tout en évitant les zombies...
Donc l'histoire commence alors qu'un certain nombre de personnages entreprend de prendre le train pour Busan. Tout va prendre une dimension peu de temps après que le signal du départ ait été donné à Seoul: une jeune femme, pleine de blessures, et visiblement paniquée, attrape le train en marche, et après quelques instants meurt dans d'atroces convulsions. Prise en charge par une hôtesse de la compagnie de trains, elle se "réveille", et la mord: c'est une zombie, et la "contagion" va s'étendre en quelques minutes;...
Du coup, une bonne partie du film raconte comment les héros (Un conseiller boursier et sa fille qui souhaite retrouver sa maman dans le sud, un homme et sa femme enceinte, des membres masculins d'une équipe de base-ball et leurs cheerleaders, un chef d'entreprise déterminé à survivre à tout prix, et deux soeurs âgées, aux caractères antagonistes) vont réussir à échapper à cette contagion, qui gagne très vite tous les wagons du train; du moins, échapper, échapper... pour un certain temps.
Les transgressions du genre sont à mon sens au nombre de deux: d'une part, on constatera avec un certain intérêt que les zombies coréens de Zeon Sang-Ho ne partagent pas le défaut du cliché de films Américains du genre dans lesquels les créatures sont des être lents et gémissants, qui bavent certes plus vite que leur ombre, mais qui représentent une menace essentiellement pour les escargots. Ici, les zombies donnent l'impression d'être filmés à 14 ou 16 images par secondes (Même si de toute évidence le film est tourné en numérique HD), et leur hyper-réactivité fait d'eux des menaces ultra-rapides... Ils s'agglutinent, en revanche, volontiers et si leur raison d'être n'est jamais expliquée (Il est vaguement question d'une quarantaine dans l'introduction), au moins, on leur donne un peu plus qu'un aspect mécanique (Grrr, Gnap, Arghhh): les sales bêtes sont totalement déboussolés dans le noir ou l'obscurité, un détail qui permet d'ouvrir une porte de sortie à certains des protagonistes en même temps que de jolies variations sur le suspense. Et puis surtout, contrairement au genre, qui débouche se plus souvent sur le nihilisme le plus total, on sent ici une volonté de garder un petit espoir (Représenté par la jeune femme enceinte, et la petite fille) en même temps qu'une volonté de tirer à boulets rouge sur l'individualisme, la peur de l'autre, sans parler de la métaphore de la société nécessairement contenue dans un train qui file droit devant lui, et dans lequel le premier chef d'entreprise un tant soit peu autoritaire peut prendre le pouvoir dans le but de rouler pour lui même.
Bref, ce film de zombies est un film de gauche, qui invite les humains à tendre la main. Par les temps qui courent, c'est une provocation.