Il ne reste pas grand chose de la pléthore de films avec Clara Bow, qui ont précédé son arrivée à la Paramount avec Mantrap en 1926. La plupart, mais pas tous, étaient des productions Preferred de B. P. Schulberg, un indépendant avisé, qui exploitait celle en laquelle il reconnaissait son principal atout, avec des rôles adéquats, et parfois très limités. Elle étai sous contrat, il avait pour idée de l'imposer au public, film après film, en la distribuant dans rôles plus ou moins grands selon les circonstances. D'une part, ça a payé. D'autre part, ça a contribué à forger une expérience professionnelle à une actrice qui toute sa vie a surtout laissé son tempérament et ses émotions prendre le dessus sur toute hypothétique technique de jeu...
Certains des films Preferred ont été mises en scène par Louis J. Gasnier, le patronyme à peine transformé du Français Louis Gasnier, auquel on doit les débuts de Max Linder en 1905, et bien sur les fameux Perils of Pauline... De Gasnier non plus il ne reste pas grand chose; la faute en incombe sans doute à des mauvais choix de carrière, ou tout simplement qu'en 1920, quiconque faisait déjà des films quinze années auparavant était automatiquement un has been: voir ce sujet les carrières plus que déclinantes d'un Griffith ou d'un Olcott! Mais si tout ce qu'il faisait était à l'aulne de ce joli petit film, on aimerait en voir plus: il y a du métier, un oeil évident pour la composition, et une façon de laisser les acteurs "naturels" (donc Miss Bow) faire le spectacle...
L'histoire est un brin ridicule, et repose sur deux postulats: d'une part, les Français sont des grands romantiques; d'autre part, le public Américain ne connait pas la France au-delà des clichés... donc l'intrigue part d'une soirée au cabaret: des apaches tels que Feuillade les avait dépeints dans Les Vampires partagent leur temps entre leur danse canaille pour épater le bourgeois, et des visites dans leurs maisons pour les délester de leurs biens. C'est lors d'une de ces expéditions qu'Armand (Donald Keith) est blessé, pendant que sa petite amie Marie (Clara Bow) fait le guet. Mais Pierre Marcel (Lou Tellegen), l'homme qui est responsable de la blessure décide de changer la destinée du bandit, et le pousse à reprendre les études qu'il avait interrompu. c'est compter sans Marie, qui va tout faire pour récupérer "son homme", avec l'aide de la bande d'apaches...
Ca n'a ni queue ni tête, la police apparaît et disparaît sans crier gare, mais on s'en fout: ce qui compte, finalement, c'est l'atmosphère de canaillerie Parisienne, dont Gasnier essaie tant bien que mal de reconstituer les contours; et puis bien sur, il y Clara Bow, en roue libre, qui s'est enfin trouvée esthétiquement (la coiffure, le maquillage), qui assure le show à elle toute seule: elle joue une criminelle, toute entière dédiée à une vengeance, et risque un moment la mort, mais le film reste une comédie du début à la fin. On notera que le film structure son intrigue sur une série de baisers, depuis la toute première, jusqu'à la dernière scène... Basée sur une unique copie conservée, la version actuellement en circulation a l'air d'être complète, en plus d'être présentée avec des teintes d'origine du plus bel effet. C'est rare et ça mérite d'être souligné...