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15 avril 2017 6 15 /04 /avril /2017 09:43

On dira ce qu'on voudra de Tim Burton, il est assez entier: quand il réussit un film, il n'y va pas par quatre chemins. Et c'est la même chose quand il le rate: Alice, Planet of the apes, ses deux pires films, sont affligeants de bout en bout... Mais le Tim Burton d'aujourd'hui, qui peine à se renouveler, nous livre avec son dernier film une oeuvre intéressante, engageante même sur certains points, mais qui n'est pas tout à fait aboutie: en d'autres termes, le troisième acte est une nouvelle fois (Après Dark Shadows ou Corpse Bride, deux films bien médiocres dans lesquels il se met en pilotage automatique) envahi par ce que j'appelle "Le cirque Burton"...

A l'origine, se trouve un roman de Ransom Riggs, qui est sorti en 2011: l'histoire d'un jeune Américain qui découvre qu'il a sa place dans une maison qui est un havre de paix pour enfants différents, à l'écart du monde et du temps. Le livre était né d'un projet inattendu, celui de regrouper dans une même histoire des photographies anciennes, sans lien entre elles, authentiques et souvent étonnantes, en tissant autour d'elles une histoire. On trouve une trace de ce pedigree particulier dans une réplique du film, d'ailleurs... Celui-ci s'intéresse donc à Jake (Asa Butterfield), un adolescent Américain très moyen, qui est préoccupé par son grand-père (Terence Stamp): celui-ci est atteint de démence sénile, et le père (Chris O'Dowd) n'a pas le temps de s'occuper de lui... pas plus que de son fils, d'ailleurs.

Tim Burton ménage ses effets, lâchant le moins d'aspects fantastiques possibles; C'est cette atmosphère de vérité glauque qui fait le prix du premier acte, dans lequel va s'introduire une histoire fantastique: la mort du grand-père, en effet, va s'effectuer sous les yeux de Jake, qui va voir un monstre, dont il ne saura pas quoi penser, et qui sera bien sur traumatisé... Mais l'Amérique authentique de ce film (Située en Floride!), se pare comme dans Edward Scissorhands de couleurs saturées du plus bel effet. Et le lien entre le grand-père, merveilleux conteur ou illuminé total, renvoie bien sur à Big Fish... Le grand-père a parlé d'une maison ou il a séjourné durant la guerre, en fuyant la Pologne envahie, et Jake va se mettre en quête de l'endroit afin de faire son deuil...

C'est au Pays de Galles qu'il va la trouver mais elle est en ruines. Le passage de la fin du premier acte, quand Jake et son père arrivent à l'ouest de la Grande Bretagne, continue cette impression d'une vérité blafarde dans laquelle Jake ne peut se plaire, mais les couleurs, cette fois, vont avec cette impression, et Burton se débrouille fort bien de la montée du mystère autour de la fameuse institution pour gens étranges dont parlait le grand père, et le fait de la trouver mène au deuxième acte...

Une fois Jake arrivé, Burton peut s'en donner à coeur joie, et cette deuxième partie est une présentation du petit monde parallèle, coincé dans une boucle de l'espace-temps, créée en septembre 1943 par Miss Peregrine (Eva Green) afin de protéger ses pensionnaires de l'arrivée inopinée d'une bombe Allemande qui va effectivement détruire toute la maison! Et ses pensionnaires sont, en effet, bien particuliers: tous ont un "talent", qui les met à l'écart du reste du monde, quand il ne les rend pas dangereux,, comme Olive, dont les mains brûlent tout ce qu'elles touchent... L'invention reste bien sur sous contrôle, et esthétiquement, le film est particulièrement soigné, dans les excès de glucose auxquels Burton s'est livré il y a quelques années. Le contraste avec le monde noir du dehors est bien mené, et bien sur on apprendra incidemment que seul un enfant "particulier" pouvant trouver son chemin dans l'institution, cela veux dire que Jake (et son grand-père) sont eux eux aussi "différents"...

Le troisième acte concentre aussi bien les dangers, que leur énonciation: on nous explique finalement tout: la mort du grand-père, sa démence, les monstres, les dangers qui menacent l'institution et ses pensionnaires... et l'intérêt baisse. Le trop-plein menace, et toutes les balises poétiques jetées par Burton sont récupérées les unes après les autres dans un ordre irritant. Et même l'apparition comme toujours grandiose d'un méchant interprété par Samuel Jackson n'y fera rien: c'est au troisième acte qu'on se rend compte que le film n'est pas si formidable que ça, en dépit des évidentes qualité dont il fait preuve, à l'imitation de Big Fish...

Malgré tout il reste des éléments très intéressants, comme le fait qu'au milieu de ce chaos d'effets spéciaux, Burton choisit de mêler le monde réel, supposé ne pas s'apercevoir de l'existence d'une "boucle" parallèle, et le monde délirant de Miss Peregrine. Une scène de fête foraine à Blackpool se transforme en une délirante bataille entre les deux mondes. Et dans cette intrigue qui voit Jake confronté au choix entre le vrai monde et son monde délirant, il est rassurant de voir que Burton choisit de le montrer suivant la meilleure des voies... 

Donc, ce film qui finit par montrer ses coutures dans la résolution formatée d'une intrigue, est à moitié réussi. C'est déjà ça, après tout, et rien n'enlèvera le prix de ses deux premiers actes et du contraste saisissant qu'ils créent, même si c'est pour finir sur des recettes convenues. Tim Burton sait encore nous parler de ce qui faisait le sel de ses oeuvres les plus personnelles, le décalage entre les gens comme vous et moi, et les êtres différents, qu'ils soient timides, dépressifs, juifs, homosexuels, trop petits, trop grands, ou... qu'ils aient des abeilles qui vivent à l'intérieur de leur corps.

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Published by François Massarelli - dans Tim Burton