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4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 15:30

En 1925, Griffith est amené à produire ce film d’après une pièce à succès, Poppy, dans laquelle s’est illustré W.C. Fields. On peut s’étonner d’un pareil choix, et les critiques se sont généralement divisés en deux camps distincts : les défenseurs du film, attribuant généralement les qualités à Fields, parfaitement à l’aise dans un rôle sur mesure, et les détracteurs, qui ne pardonnent pas à Griffith de s’attaquer à un sujet qui ne lui convient pas. Sans parler de la malédiction de Carol Dempster sur les épaules de laquelle le film repose énormément. Pourtant, et sans aller jusqu’à suivre Claude Beylie qui s’est attaché à défendre dans un magnifique article (Griffith, sous la direction de Jean Mottet, L’Harmattan, 1984) les films jugés comme mineurs de Griffith, je donnerai sans doute tout America pour certaines séquences de ce film.

Evitant le piège du théâtre filmé, Griffith donne beaucoup de mouvement à cette histoire, basée sur un mélo typique : une jeune femme (Dempster) élevée dans un cirque a été élevée par le « proffesseur » (sic) Eustace Mcgargle (Fields), un escroc-bonimenteur qu’elle considère désormais comme son propre père. Celui-ci se rendant compte qu’il lui sera difficile d’éviter à la jeune femme les dangers de la vie (En gros, elle est jolie et naïve, et on est dans un mélo, donc tous les hommes sont des loups.), il l’emmène en Nouvelle-Angleterre afin de retrouver la famille de Sally : le grand père (Erville Alderson), un juge qui a désavoué sa fille lorsque celle-ci a épousé un homme du cirque, et une grand-mère à jamais inconsolable de la perte de son unique fille (Effie Shannon). La jeune femme, lors de ce voyage, n’est au courant ni de la filiation ni de la volonté du « proffesseur » de la confier à sa famille. Elle va, inévitablement, rencontrer un beau jeune homme (Alfred Lund) dont elle va tomber amoureux, et qui se trouve être le fils du meilleur ami du juge. Celui-ci se verra confier la tâche d’éloigner du jeune homme la saltimbanque, une mission dont il va tâcher de s’acquitter avec efficacité.

L’intrigue permet de varier les décors, depuis le cirque du début à la splendide et coûteuse maison du juge Foster, en passant par la prison, le palais de justice et même la campagne verdoyante ou des scènes de poursuite automobile quasi burlesques ont été improvisées autour de W.C. Fields. L’ensemble du film est centré non pas sur Fields lui-même, mais sur le couple Fields-Dempster, manifestement complices. Griffith, toujours attaché à mettre en valeur sa protégée contre les nombreux détracteurs, lui a d’ailleurs donné le « Star billing », avant Fields. Elle doit, dans ce film, jouer le mélodrame en usant beaucoup du canon Griffithien de la jeune adolescente infantile, à la façon de Mae Marsh dans Intolerance, avec une hyperactivité rendue plus forte par le fait que Dempster joue beaucoup de son corps (En tout bien tout honneur, on est chez Griffith, quand même) ; elle est danseuse dans le film comme dans la vie, ce qui permet à griffith de placer une scène qui nous rappelle immanquablement Way down east : invitée par Mrs Foster à danser pour ses invités, elle se déguise en dame de la haute société et dame le pion à tous les bourgeois présents, telle Lillian Gish dans une scène d’élégance au début du film précité. Le reste du film voit Sally déambuler dans une petite robe sans forme, avec des bas noirs, des chaussures plates et un chapeau boule… Dire de Dempster qu’elle est bonne actrice relève du défi, de la mission impossible, tant elle est poussée à jouer, grimacer à la façon dont Griffith s’imagine que les toutes jeunes filles le font. Certaines scènes pourtant, lui permettent de s’investir autrement. Sa faculté d’afficher des larmes, déjà remarquée dans America, est mise à profit dans les scènes au cours desquelles elle est jugée, et passe le plus clair de son temps à crier que son « Pop » va arriver pour la sauver, et la scène la voit s’enfuir, poursuivie par des policiers, dans une scène de poursuite spectaculaire : jamais elle n’y joue les poules décapitées, contrairement à Lillian Gish ou Mae Marsh : elle y possède une assurance physique qui est pour beaucoup dans le plaisir qu’on prend lors de la scène. La scène de quasi viol dans america lui permettait de montrer là aussi plus de prsence physique que l'aurait demandé Griffith à ses autres actrices ("Lève les bras au ciel, Mae! Bien, roule des yeux, maintenant!")

Fields, en, 1925, est déjà le Fields de toujours, la parole (Et quelques kilos ) en moins… il est donc burlesque dans le mélo, son regard plein d’une assurance d’escroc toise le reste du casting avec autorité. Mais le mélange, qu’il soit ou non voulu par Griffith entre comédie, voire une timide tentative de slapstick, et le mélo classique a bien du mal à prendre. Il me semble que c’est une erreur d’avoir utilisé le montage alterné pour passer d’une poursuite dramatique (Sally, dans sa fuite) à l’autre, franchement burlesque (Fields, se battant à la fois contre sa voiture et contre des poursuivants qui veulent l’empêcher de porter secours à Sally). Néanmoins, et malgré le mélange des genres, on se réjouit de voir Griffith essayer de renouveler la poursuite finale…

Au final, ce film se laisse regarder, en dépit de sa longueur ou de ses mélanges de genre mal fichus , avec plaisir. Il faut dire que le metteur en scène, peut-être résigné par son travail sur la pièce d’un autre, scénarisé par un autre (Forrest Halsey), a enfin daigné abandonner les intertitres verbeux, sentencieux tendancieux et redondants, et cela rend le film plus léger, ô combien. Sally of the sawdust a été suivi d’une autre collaboration entre Fields et Griffith, avec Carol Dempster, le film That Royle girl, mais celui-ci est perdu.

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Published by François Massarelli - dans David Wark Griffith 1925 Muet *