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1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 09:22

Pour commencer, Ingeborg Holm montre une image du bonheur: on se doute que ça ne durera pas, surtout quand on commence à connaître la noirceur de l'oeuvre de Sjöström... La famille Holm, donc, prépare gentiment l'avenir, dans une bourgade indéterminée. L'action n'est jamais explicitement localisée, et le caractère mélodramatique évite de se situer dans un milieu urbain qui serait immédiatement connoté... M. Holm, pendant que son épouse Ingeborg (Hilda Borgström) se consacre à leurs trois enfants, a contracté un prêt pour pouvoir payer l'épicerie qu'il projette de lancer. Tous les voyants, comme on dit, sont au vert, mais... Sven Holm a la tuberculose, et ça s'aggrave tout à coup, et il meurt. Pendant son agonie, la boutique est fort mal tenue, et suite au décès, Ingeborg doit faire face à des créanciers qui la mettent en demeure de payer, ce qu'elle ne peut pas faire. La déchéance est inéluctable, et la séparation d'avec ses enfants aussi...

L'intrigue est assez Dickensienne, à ceci près qu'il n'y a pas d'échappatoire, ni d'aid extérieure pour sauver Ingeborg Holm de la destitution, en lui tendant la main; elle est parfois secondée oui, comme par exemple lorsqu'elle apprend que ses enfants, placés dans des familles d'accueil différentes, sont malades, elle s'enfuit de l'hospice ou elle vit et travaille, et reçoit une certaine compassion de la part d'une des famille qui tente même de la cacher des fonctionnaires qui sont à ses trousses; mais on sent bien un système qui se referme sur elle comme il se referme sur d'autres, et un manque général de compassion, qui est véhiculé dans le film par la composition des plans. Sjöström utilise en abondance des plans qui situent la caméra à l'écart d'une ligne de perspective, incorporant ainsi dans la profondeur du plan une porte ou une fenêtre, et créant un espace dans lequel, le plus souvent, Ingeborg Holm est située à l'écart: à l'écart des autres, à l'écart des nantis, à l'écart du bonheur. Ainsi la première occurrence de ce dispositif a beau nous montrer le couple dans son bonheur, la construction de l'image anticipe sur la déchéance future.

Et bien sur, on est en 1913, donc le réalisateur ne compte pas encore sur le montage, donc il repose énormément sur ses acteurs, et principalement sur Hilda Borgström; celle-ci interprète une femme qui vieillit sur vingt-con années environ, et porte une large responsabilité du film sur les épaules. Les séquences sont largement dominées par les tableaux, et la distance adoptée par la caméra accentue l'impression d'une certaine dose de réalisme - certes, tempérée par certaines conventions de placement, de jeu, de raccourcis... Il s'agit de concentrer parfois des scènes (Notamment la mort du père) en des plans d'une minute environ. Mais lorsque le mélodrame joue en plein, et qu'à la fin Ingeborg reçoit à l'hospice la famille d'accueil de sa petite dernière, et que celle-ci ne reconnait pas sa maman, c'est déchirant!

Ingeborg Holm est donc bien un mélo assez classique, mais il se distingue par son traitement frontal, et sa dénonciation d'une société qui ne s'indigne pas assez des misères qu'elle crée. Peu de moralisme là-dedans, juste l'oeil aiguisé d'un artiste et le talent conjugué d'une équipe qui sait ou elle va...

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1913 *