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3 juin 2017 6 03 /06 /juin /2017 09:15

Ce film est particulier dans l'oeuvre de Niccol dans la mesure où il ne se conforme pas à sa vision habituelle d'un futur hypothétique (Gattaca, The Truman Show réalisé par Peter Weir sur un scénario de Niccol, The host, In time) ou d'un monde aux techniques tellement avancées qu'on vit en pleine science-fiction (Simone). Et bien sûr, Lord of war a été rejoint dernièrement par Good Kill, consacré à un sujet voisin: Good kill parle de la solitude d'un homme face à la facilité de tuer, et du tourment moral qui s'en suit. Lord of war présente le rêve Américain sous un jour infect: son héros vend des armes... Pas un petit armurier, en fait, plutôt un spécialiste de l'import-export de Kalashnikov par paquets de 10 000. Quant à ses clients? ...Il n'est pas trop regardant.

Youri Orlov (Nicholas Cage) est le fils d'un immigré Ukrainien, c'est lui qui nous raconte son histoire par le menu, et on assiste à tout son parcours: les jeunes années de débrouille, puis la décision de devenir marchands d'armes, puis sa spécialisation, et son évolution professionnelle vers les quantités industrielles. Vers une certaine forme de légitimité aussi: vis-à-vis du droit, son statut est flou. Vis-à-vis du fait qu'il est devenu pratiquement un intime de certains grands de ce monde (Et pas des moins croquignolets bien entendu), ça lui tient lieu de légitimité. Maintenant, Youri lui-même ne se fait pas la moindre illusion; pour se construire une vie de famille avec les millions qu'il amasse en armant toutes les armées de la planète et en rendant possible un certain nombre de massacres, il va lui falloir mentir... Car son rêve Américain à lui, en particulier, c'est une femme, la belle Ava Fontaine (Bridget Moynahan), native du même quartier que lui, et qui est devenu un top model. Mais elle sera sa perte, aussi. A moins que...

Niccol, dès le départ, semble hésiter entre montrer comme il le fait d'habitude un monde en entier, sans aucune restriction de point de vue, et la narration certes omnisciente à la première personne, mais qui va conduire le spectateur vers une certaine forme de complicité avec le salopard qui nous raconte son histoire: l'ombre de Martin Scorsese plane sur le film, avec cette voix-off tranquille qui nous conte les pires horreurs... Pourtant l'indignation de Niccol passe par des voies différentes: il évite de laisser trop de flou dans la dimension des choix moraux du narrateur, qui sont de toute façon intenables! Et il garde sa capacité d'indignation en donnant à voir au spectateur le résultat des ventes de Youri: d'où la présence occasionnelle dans l'ombre de ce dernier de son frère Vitaly (Jared Leto) qui lui n'a pas l'estomac suffisamment armé pour ce qu'il voit! 

Un sentiment vague mais certain, non pas de ratage loin de là, mais de trop peu, s'installe assez vite... C'est qu'en choisissant de faire à la Goodfellas dès le début, on place la barre haut. Et peut-être Nicholas Cage n'était-il pas la meilleure des idées, pas plus, bien sûr, que ce pauvre Jared Leto en petit frère cocaïnomane qui vit ses crises de conscience morale avec de la poudre au nez et une Kalashnikov à la main... Le cinéaste a eu une excellente idée en revanche en plaçant dans le dispositif un "ennemi" à Youri, l'agent incorruptible d'Interpol Ethan Hawke, qui avec ses moyens (certes avancés, mais que sont-ils face à l'amitié de dix dictateurs?), tente de garder la morale sauve. C'est de lui, et de son refus d'abandonner sa capacité d'indignation (En écho évident à celle du réalisateur) que viendra la moralité de l'histoire. Elle est rude, sans appel, sans pitié. Elle rend aussi le film nécessaire avec ses qualités comme avec ses défauts.

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Published by François Massarelli - dans Andrew NIccol