
Ce film court est en réalité le deuxième segment d'une anthologie intitulée Eros. Vous ne l'avez pas vu? C'est normal, le film n'a pas eu la moindre promotion et les réalisateurs se sont empressés de l'oublier. Sauf un, qui est mort (celui des trois auquel je ne concède pas un gramme de talent, en fait).
Comment dire? Equilibrium est plutôt de la veine expérimentale de Soderbergh, celle avec laquelle depuis tant d'années il nous dit qu'il fait ce qu'il veut, comme il veut,quand il veut. Et à cette époque, il lui suffit encore de claquer le petit doigt pour reformer la clique Ocean, donc on lui fiche assez généralement la paix. Et le bougre est particulièrement efficace et économique... mais cette veine-là (Full frontal, Bubble, The Good German, The girlfriend experience) reste quand même sérieusement problématique, et ce petit exercice d'Equilibre ne fait absolument pas exception.
L'économie se retrouve d'abord dans l'interprétation: trois acteurs, pour cinq personnages. En 1955, un publicitaire (Robert Downey Junior) consulte un psy (Allan Arkin) pour essayer de trouver la clé de son stress, qui l'empêche en particulier de trouver le slogan idéal pour un radio-réveil le tenant en échec depuis quelque temps. La conversation dérive bientôt de l'obsession du patient pour la moumoute de son collaborateur Hal, à un rêve érotique récurrent qui le met dans tous ses états: il s'y trouve toujours avec une très belle femme (Ele Keats) qu'il ne connait pas, dans une chambre d'hôtel...
Pendant ce temps, le psy fait tout pour donner l'illusion à son client qu'il s'occupe de lui, alors qu'il est plutôt occupé à capter l'attention d'une personne qui vit dans un immeuble voisin, et lui fixer un rendez-vous. a la fin de l'entrevue, le publicitaire va mieux, a même trouvé un slogan, et on assiste à son réveil... aux côtés de son épouse: c'est la belle femme du rêve. Le film se termine sur une scène à son travail, située dans le même décor que la séance, et en compagnie de son collègue Hal: C'est le psy.
C'était un rêve? Ce n'en était pas un? On s'en fout, ce genre de pirouette étant le plus souvent destiné essentiellement à mettre une chute à une histoire... C'est exactement sa fonction dans ce film en forme d'énigme burlesque, dont le principal atout est sans doute le numéro de décalage d'Allan Arkin, qui joue de sa voix et de son corps avec génie pour incarner un psy hypocrite qui a autre chose à faire que d'écouter. Pour le reste, c'est longuet, on n'a pas forcément envie de suivre Bob Downey dans cette auto-analyse un peu vaine de l'homo Americanus 1955. Et Soderbergh et l'érotisme, c'est toujours un peu délicat: il se force à adopter des codes très, comment dire, Pirelli 1955 dans sa séquence de rêve. Et il reviendra à des tentatives érotiques froides et déstabilisantes dans d'autres films expérimentaux (The Good German, The girlfriend experience) sans grand succès. Mais on pourra au moins noter un jeu de couleurs très intéressant... La séquence de rêve initiale est en couleur, dominée par le bleu. La séance est en noir et blanc, et l'épilogue est en couleurs atténuées tirant vers le beige...

