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24 juillet 2017 1 24 /07 /juillet /2017 17:19

La mère a été élu en 1958 par un panel de critiques Européens, à la demande d'une cinémathèque, parmi un ensemble de 12 films, comme l'un des meilleurs films de tous les temps. Reflet d'une critique très marquée par les idéologies, et d'une sympathie particulièrement marquée, qui durera jusqu'aux années 80, pour le cinéma Soviétique. Pour mémoire, la liste comprenait aussi deux autres oeuvres de la même nationalité: Le cuirassé Potemkine d'Eisenstein et La Terre de Dovjenko. Tout aussi absurde. Si on voulait célébrer le cinéma Russe, pourquoi tant qu'à faire ne pas ajouter L'homme à la caméra? Ou Aelita?

Maintenant, il convient afin de juger ce film à sa juste valeur, de le revoir, en essayant de faire abstraction de toute idéologie préconçue: c'est plus facile pour ce film que pour les deux autres pré-cités: d'une part, c'est et de loin le meilleur des trois... Et d'autre part, Poudovkine a basé son style sur deux points que semblent refuser farouchement aussi bien Eisenstein que Dovjenko: le drame et ses péripéties, qui attrapent le public pour ne plus le lâcher, et les personnages, saisis dans leurs actions comme autant de marques de caractérisation.

L'intrigue est assez typique, non seulement d'un film Soviétique, mais aussi d'une drame Européen des années 20: en 1905, la famille Vlassov se bat contre la misère: le père (Alexandre Tchistiakov) est un ouvrier, mais il est surtout violent et alcoolique, et déserte aussi bien son travail à l'usine que sa famille. La mère (Vera Baranovskaia) est battue, mais résignée... Et inquiète quant à l'avenir de leur fils Pavel (Nikolai Batalov), qui fréquente des révolutionnaires... Ils lui ont confié des armes, qui sont cachées chez eux. 

Un jour de grève, les amis de Pavel sont attaqués par des briseurs de grève. Parmi eux, Vlassov... Dans la confusion qui s'ensuit, celui-ci est tué: on l'amène chez lui, et quand Pavel arrive à la maison, mère et fils s'affrontent... Mais il est très vite rejoint par la police, qui exige des réponses...

La suite est connue: Pavel sera emprisonné suite  un geste de sa mère qui croyait le sauver en donnant à la police le lieu où sont cachées les armes. Et celle-ci, qui était auparavant hostile aux idées révolutionnaires, va joindre le mouvement, et la foule qui gronde. Et c'est là qu'on imagine un commissaire du peuple qui imposerait au studio Mejrabpom, qui a produit ce film, d'ajouter un intertitre "Et bientôt, nous serons des milliers!".

Et justement, ce qui fait le sel de ce beau film malgré tout, c'est justement que s'il y a propagande (Et il y en a, c'est indéniable), elle est amenée par le drame, par les personnages: on rentre dans ce film comme on arriverait chez Dickens, ou... chez Griffith: car il est impossible avec La mère de passer sous silence la dette au metteur en scène Américain: Poudovkine a placé ici une recréation de la fabuleuse scène de la fonte des glaces de Way down east, avec Nikolai Batalov en Lillian Gish! Et il prend son temps pour installer le drame, économisant ses effets jusqu'à la peinture de la grève, avec laquelle le film s'emballe, en montage ultra-rapide, et en plans très rapprochés et d'une précision diabolique. 

Et enfin, Poudovkine n'a pas fait sienne l'obsession qu'avait Eisenstein à cette époque, de filmer la foule par dessus l'individu: il demande beaucoup à ses deux acteurs principaux, qui ont d'ailleurs chacun un visage très marquant. La scène de l'arrestation, et plus encore le souffle épique du final (Qui au passage est de la propagande totale), sont l'occasion de le vérifier: Baranovskaia en particulier est magistrale...

Donc, l'un des meilleurs films du monde? Non. Mais une oeuvre intéressante, hybride, qui montre bien que le cinéma soviétique avait tout intérêt à ouvrir les yeux sur le cinéma mondial s'il voulait exister...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1926 **