
Les plus intenses moments de la vie de Frank Lucas (Denzel Washington) nous sont présentés. C'est l'un des caïds de la région New-Yorkaise, qui aurait pu se contenter de régner sur Harlem assez tranquillement, mais il a été pris d'idées de grandeur... Et s'est inséré dans le business de vente de drogue, devenant non seulement le pourvoyeur d'héroïne la plus pure du marché, mais en plus il a eu le culot de casser les prix! Parallèlement à cette success-story franchement inattendue, on s'intéresse à Richie Roberts (Russell Crowe), de Newark (N.J.), un flic qui a un énorme défaut: il est intègre. Et il a des idées sur la justesse, poursuivant tant bien que mal des études de droit. La rencontre entre les deux aura bien lieu, au bout de deux heures de film...
Biopic? Opéra Scorsesien? Film-vérité à la Friedkin? Film d'action à la Mann? Ridley Scott n'a choisi aucune de ces directions, même s'il a sacrifié ça et là à quelques figures de style attendues. Son film est surtout guidé par une envie de faire une excursion dans l'Amérique des années 70, dans ce pays qui continue de faire comme si de rien n'était alors que le chaos du Vietnam prend toute la place médiatique, et comme à son habitude, il reconstitue tout un monde, toute une atmosphère, avec une vérité confondante... Il s'inspire des histoires des films de Scorsese en évitant de pousser le bouchon trop loin, mais la minutie de la reconstitution, et l'investissement de Denzel Washington font beaucoup.
C'est un film dans lequel il fait bon s'engouffrer, et dans lequel on assiste à une leçon un poil provocante sur les Etats-Unis: si effectivement Frank Lucas devient le boss de Harlem, et bien plus, alors que la police de New York est corrompue jusqu'au slip, faut-il l'en blâmer, ou se dire qu'il ne représente finalement qu'une des multiples facettes du rêve Américain? La réponse, évidemment, n'est pas dans le film, même si à deux reprises Ridley Scott s'amuse à citer et détourner Norman Rockwell pour des thanksgivings de famille de gangsters noirs! Mais la question y est, posée de fort belle manière. Et le déroulement, lent et méthodique, va droit vers un but inévitable: la rencontre programmée de deux monstres sacrés. Donc, pas de quoi se plaindre, non?